Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même ordre que les ivresses sensuelles, éphémère comme elles, ennoblissait au contraire ce ménage d’exception. Jeanne et Nicolas étaient parfaitement dignes l’un de l’autre ; et les sources de son admiration, la jeune femme les trouvait, réelles, dans une longue connaissance de son demi-dieu.

D’ailleurs cette admiration était réciproque. Quand Nicolas cessait de parler, lui aussi regardait Jeanne ; il la contemplait comme une fleur qu’on voit croître, se développer, se transformer chaque jour. Il l’entourait de soins, lui donnait la main de peur qu’elle ne butât au trottoir, portait jusqu’à son réticule, et l’on aurait dit qu’en montant les cinq étages des Fontœuvre, il fût hanté du désir de la soulever dans ses bras, tant il l’observait, inquiet de cette ascension fatigante.

Les deux jeunes femmes se retirèrent aussitôt dans la chambre de Jenny, où Jeanne, en refaisant sommairement sa toilette, parla de Nicolas. Ah ! qu’elle était heureuse ! Si Jenny savait ! L’âme de Nicolas était comme un jardin splendide et infini où elle découvrait chaque jour quelque chose d’inconnu. Aussi chaque jour le chérissait-elle davantage. Et en même temps qu’elle le considérait comme un maître, elle voyait en lui comme son enfant. Oui, un grand enfant ignorant de la vie, qu’il fallait conduire, guider sans cesse. En Italie, dans les hôtels, il n’aurait pas demandé une bougie, pas vérifié une