Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/226

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gique de cette passion, elle avait atteint à la beauté parfaite, avec son col superbe, et ce nez admirable d’une longue ligne droite, qui parachevait sa physionomie hermétique. Son mystère affolait Nicolas. Encore une minute et les scrupules de cet homme très pur furent comme des oiseaux étouffés qui crient encore un peu, puis dont la voix diminue, s’éteint et meurt dans le silence…

Quand, après une heure, glaciale, impassible plus que jamais, Marcelle quitta l’atelier d’Houchemagne, ils étaient liés l’un à l’autre par l’indissoluble lien de l’amour.

Nicolas Houchemagne était resté debout au milieu de l’atelier, immobile, les bras croisés, sans un geste, sans un regard. Il sentait que des ruines croulaient toujours en lui, que sa vie morale continuait de s’effondrer, que tout s’engloutissait dans le cataclysme. Et cependant, il vivait. Il vivait plus que jamais ; les ruines étaient en feu, et le brasier flambait.

C’était fini, il était tombé vulgairement comme les autres ; fini de s’estimer, fini de travailler dans la paix, fini d’exister sereinement dans l’intimité de Jeanne, fini de cette vie laborieuse et simple que, jusqu’à trente-six ans, il avait menée, gardant, en dépit de son génie, une sorte d’enfance intérieure. Il n’était plus lui-même ; un homme méprisable venait de naître en lui, qui lui serait désormais à charge jusqu’à la mort.