Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/232

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cette sollicitude adorable, ce mystère, dont Nicolas avait voulu faire l’âme de son tableau.

— Connais-tu cet évangile, Marcelle ? demanda-t-il.

— Non, dit Marcelle, je ne le connais pas.

Il eut une sensation subtile et étrange : qu’elle était d’une autre race que lui, parlait une autre langue ; mais ce ne fut que fugitif, et il ouvrit les cartons pour étaler par terre les innombrables études préparatoires. Tous deux s’agenouillèrent, et devant les yeux de Marcelle passèrent d’admirables dessins où la maîtrise d’Houchemagne s’accusait dans chaque trait. C’était Philippe, André, c’étaient des têtes de femmes extasiées, puis la foule. C’était aussi le petit enfant qui avait cinq pains d’orge et deux poissons, c’étaient des morceaux de draperie pour la tunique du Christ. Enfin, c’étaient des paysages.

Marcelle était saisie d’admiration. Puis elle voulut revoir le Sphinx, le Centaure. Elle allait, s’arrêtant à chaque toile, parcourant des yeux la grande pièce sévère :

— Je l’adore tel qu’il est, l’atelier de ton génie, dit-elle soudain. Certes, je ne me le figurais pas si dénudé, et quand il m’est apparu hier, j’ai eu, je t’assure, une singulière émotion ; mais tu m’y sembles plus grand, plus beau…

Et l’enlaçant presque avec violence :

— Et puis, ce sera le sanctuaire où nous nous aimerons, n’est-ce pas ?