Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/261

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— Mais, papa, selon ta morale, à combien d’amants une femme a-t-elle droit ?

Et Fontœuvre, riant de bon cœur, eut un geste évasif pour dire qu’il ne s’attarderait pas à résoudre le problème. Puis on se mit à s’occuper de madame Vaupalier, l’épouse légitime. Mais elle n’inspirait aucune compassion. La frêle Dudu, l’ancien petit modèle montmartrois, aux pattes de sauterelle, était devenue une grosse dame officielle, qui ne prenait plus la peine de retenir ses propos ; toute son hérédité lui remontait aux lèvres dès qu’elle s’échauffait en paroles. Et elle avait les susceptibilités haineuses du peuple, qui semaient des ennemis pour Vaupalier dans tous les salons ou elle passait. Que son mari la trompât semblait bien naturel. Madame Fontœuvre trouvait seulement admirable que Nelly Darche eût agréé Vaupalier. On s’en félicitait pour lui comme d’une chance inespérée.

— Pensez donc, disait Jenny, une si grande artiste ! Lui ne lui vient pas à la cheville.

C’était plus honorable que s’il avait été admis à l’Institut.

Lorsque, à dix heures un quart, la ponctuelle Hélène rentra de sa pharmacie, Marcelle se déshabillait pour la nuit. Les deux sœurs se retrouvèrent au cabinet de toilette qui leur était commun, et les yeux curieux d’Hélène ne pouvaient se retenir de scruter le visage hermétique de sa cadette. Elle était son aînée de deux ans, mais