Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/306

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dont toute la loquacité renaissait, venez voir cette scène évangélique. Regardez ces groupements, toutes ces lignes qui chantent comme une mélodie ; et ce dessin, oh ! ce dessin des visages, la vigueur de ces traits de fusain !

Miss Spring, malgré l’invite, restait en contemplation devant le chevalet, Jeanne, qui se dissimulait, un peu plus loin, pour les observer, reprise par son orgueil d’épouse, la vit passer sur son front ses doigts blancs sortant de la mitaine, étouffer deux ou trois soupirs, revenir à Houchemagne, lui reprendre les mains et chercher en vain à exprimer son émotion. Alors, un désir la prit de revoir de plus près le travail de la journée. Elle se rapprocha de l’étude. C’était vrai que, jamais encore, Nicolas n’avait atteint d’effet si émouvant. Dans cette figure incomplète où il commençait seulement de peindre les yeux, une terrible majesté allait naître. Le pécheur, encore. ravagé par le désir du mal, se trouvait face à face avec son juge, et c’était avec une sorte d’effroi qu’il le créait. Tout son tourment, tout son remords, toute l’énergie déchirante de son ferme propos passaient dans son dessin. Et Jeanne, qui n’espérait plus rien désormais de ce cœur perdu pour elle, fut inondée d’une âpre joie en escomptant l’Œuvre future. Il est vrai que l’Idole ne lui appartenait plus ; mais qu’importait, si la plus troublante des œuvres d’art allait être offerte aux hommes !

Miss Spring put dire enfin :