Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/360

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c’est parce que je suis encore un peu un honnête homme, c’est par un reste de compassion pour ma pauvre conscience vaincue que je me fais mercenaire, afin d’avoir moins à rougir devant toi.

— Nicolas, reprit enfin Jeanne que cette voix. chérie ranimait, il ne faut pas, je t’en prie, il ne faut pas…

L’Inspiratrice renaissait en elle ; celle qui avait contribué aux chefs-d’œuvre de naguère ne pouvait se résoudre à la mort de l’Artiste. Amaigrie et vieillie par des mois de souffrances, elle redevenait belle et divine pour parler encore de l’œuvre devant ce qui en était la négation.

— Laisse cela, Nicolas, ce serait pour toi, pour moi-même la pire honte. C’est moi qui te le demande, tu vois bien. Tout nous était commun, que tout nous le soit encore, malgré tant de tristesses. Et tiens, n’effleurons même pas un tel sujet. Ce que j’exige de toi, c’est que tu renonces à signer des toiles indignes de toi, qui feraient une tache à ta gloire. Ne travaille plus s’il le faut, reste oisif, attends ; encore un peu de repos, et peut-être pourras-tu finir ton Christ. Écoute-moi je ne suis plus ta femme ; je suis la voix de la Destinée. Tu es fait pour de si grandes choses, Nicolas, si grandes !

— Ah ! s’écria Nicolas, emporté par un élan de son remords, ne vois-tu pas que je suis maudit ! Ils gardaient maintenant un silence désolé. À la fin, Jeanne, toute frémissante, balbutia :