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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/125

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tourna vers la cuisine en claquant la porte.

Le mari et la femme demeurèrent l’un devant l’autre, avec, entre eux deux, ce bébé qui continuait sa scène. Au bout de longues minutes où Denis supportait mal le raclement de scie qu’était sur ses nerfs ce cri monotone à deux temps de l’enfant qui se plaint, il dit froidement à Geneviève :

— Sonne donc la bonne pour qu’elle le reprenne. Tu vois bien qu’il n’a aucune habitude de tes soins. Il te connaît à peine. Sa vraie mère, c’est Ninette. Cela ne fait pas de doute. Ne comprends-tu pas que s’il pouvait parler, il te dirait : « Je ne sais pas qui vous êtes. Une visiteuse de passage, une personne qui voudrait me plaire mais qui n’a aucune idée de mes besoins, de mes habitudes. Seule Ninette m’est nécessaire. Quand je pleure, elle a les secrets qui me calment, les gestes que J’aime, les chansons qui m’endorment. C’est Ninette qu’il me faut, et non pas vous, l’étrangère… »

Jamais, depuis que ces deux êtres vivaient côte à côte, également plongés l’un et l’autre dans une mutuelle contemplation amoureuse, de tels propos n’avaient été lancés entre eux. Geneviève était encore plus atterrée que blessée de les trouver sur les lèvres d’un mari si épris.

— Oh ! Denis ! murmura-t-elle tremblante, je ne t’aurais pas cru capable de tant de méchanceté envers mol !

— Je ne suis pas méchant. Je suis lucide. Tout à coup, le voile de ma résignation se déchire. Je réalise que le fait tant redouté par moi S’est accompli. Notre enfant appartient à notre domestique. Toutes les concessions je les ai consenties ; toutes tes combinaisons tentées pour allier tant bien que mal ta vie extérieure et ta vie de mère, j’y ai souscrit docilement ; le résultat éclate ce soir : tu