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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/166

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Elle a complètement oublié la scène de son petit enfant. Même au déjeuner chez Mme Rousselière, elle raconte sa matinée avec une juvénilité débordante.

— Vous comprenez, ma mère, je fais des vœux pour que cette pauvre sous-chef se guérisse, car c’était une excellente personne — quoique bien tatillonne. Mais la forme du rhumatisme qui l’a atteinte, qu’elle traîne depuis longtemps, me semble devoir être chronique. Peut-être ne reviendra-t-elle pas au bureau, forcée de prendre sa retraite par anticipation. Dans ces conditions, il me semblerait difficile qu’on nommât une autre personne que moi pour la remplacer.

— Vous êtes une grande ambitieuse, Geneviève ! repartit la belle-mère, avec un sourire oblique en même temps moqueur et affectueux.

— Je ne sais… Je crois que j’en suis une petite, répondit la jeune femme avec modestie. Mais le jeu administratif de la carrière est un sport en effet. On peut y mettre une certaine passion. Et j’avoue que le jour où je siégerai dans ce petit bureau vitré-là, je ne serai pas mécontente de moi.

Après leur journée de travail assez lourd, le mari et la femme rentraient au logis las et comme embrumés. Une étoile luisait cependant au fond de leur brouillard intérieur, c’était le sourire heureux de leur petit Pierre qui accueillerait leur retour tout à l’heure ; bientôt, dans un instant…

Mais ils furent déçus.

— Le pauvre ange s’est endormi dès son jambon, déclara Mme Poulut. Il était tout baigné, tout poudré, tout changé. Mais ayant grogné le jour durant, il paraissait rompu de fatigue. Je l’ai mis au berceau, tel quel.

Geneviève épia le visage de son mari dont elle craignait le muet reproche. Mais Denis détourna