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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/183

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Ce fut vers la mi-février qu’un huissier du Cabinet, pénétrant un matin dans la galerie du troisième bureau, chercha des yeux quelqu’un, puis s’avança vers Mme Rousselière, plus cérémonieux qu’un sous-préfet, pour la prier de se rendre chez le Directeur du Personnel qui avait à lui faire une communication.

Geneviève regarda une seconde ce messager aux parements et aux revers brodés d’argent et chargé de sa chaîne symbolique, comme pour s’assurer de sa réalité en chair et en os. Non, elle ne se faisait pas illusion. Cet huissier était bien réel, et elle, complètement éveillée. La minute, tant de fois imaginée avait sonné. Celui qu’on nommait au ministère « le Potentat », ce Directeur, l’arbitre de leurs destins à tous ici, avait, dans le secret de son omnipotence, fixé le nouveau cours de la vie administrative chez la jeune femme. Encore quelques minutes et la piste glorieuse ou la piste obscure allait s’ouvrir devant ses pas. Si peu nerveuse qu’elle fût, son cœur battait tellement qu’elle ne put se lever immédiatement.

— C’est bien, dit-elle, je m’y rends tout de suite.

Et elle fit semblant de ranger quelques papiers.

Le Potentat était avant tout un homme du monde, qui la fit asseoir avec déférence, et comme il avait conçu la plus haute estime pour cette collaboratrice exemplaire qu’il ne voyait jamais, qu’il ne connaissait presque que de nom, mais dont les échos de la troisième Direction lui avaient représenté la brillante réputation, il se fit particulièrement aimable pour envelopper de solennité — en fait de certains retardements — l’annonce qu’il lui préparait. Il savait, par exemple, que Mme Rousselière avait assumé en quelque sorte le service de la sous-chef défaillante. Que malgré les mérites de la vieille demoiselle, celle-là ne