de conduite depuis trois ans tend à sacrifier cette intimité, à ne plus faire de nous que des époux d’occasion qui n’ont plus en commun que leur sommeil ?
— Chéri, ce n’est pas moi qui ai choisi d’aller à ce Pavillon du Contentieux. J’ai dû m’exécuter devant la faveur qu’on m’accordait. J’aurais préféré demeurer avec toi au Ministère.
— Oh ! le Ministère ce n’était pas non plus l’intimité ! Mais que veux-tu — et le mari avait la figure d’un homme plus ennuyé que fâché, — on s’habitue à tout. On s’arrange de tout. Je ne t’en veux plus !
— Tu m’en as donc voulu ?
— Oui…
Ce « oui » tomba tout seul dans le silence comme un rayon, une projection dardée soudain sur le passé, sur l’union de ces deux époux, les trois années si placides en apparence, si menacées au fond d’un insidieux désaccord et qui contenaient toute l’histoire de leur vie conjugale. Geneviève frémit. Dans ce charmant compagnon qu’elle jugeait fort sensible, plutôt trop sensible, mais tout de même un peu léger, un drame secret s’était donc joué à son côté sans qu’elle le soupçonnât ? Il avait bien eu contre la carrière de sa femme, contre les ambitions de sa femme, contre les abandons du foyer reprochés à sa femme entêtée des révoltes de Méridional demeuré toujours un peu Romain. Elle n’avait pas cru que ces légers différends allassent jusqu’à une rancune profonde comme celle qui apparaissait soudain à ses yeux. Denis, en faisant cet aveu, en confessant ces mouvements mauvais et secrets où il avait comme haï sa compagne, avait aussi changé de visage. L’expression de ses yeux de velours avait passé à la dureté glaciale ; ses maxillaires, toujours