Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vacances précédentes, du temps où il n’y avait entre eux qu’un amour sans fêlure. Ils avaient peur de retomber dans ces chambres souterraines de leurs âmes où l’on découvre parfois d’affreuses vérités tapies sournoisement. Ils redoutaient l’un près de l’autre, la solitude où les cœurs se dénudent, apparaissent tels qu’ils sont. Et c’était une protection qu’ils cherchaient près de leur petit garçon de deux ans qui les sauverait de l’intimité redoutable.

Cette protection qui leur appartenait de droit, ils ne l’obtinrent que de haute lutte contre la jeune fille douce et terrible qui déclara que si son autorité se trouvait mise en échec, elle ne pourrait continuer à élever les enfants de Monsieur et de Madame. Épuisés mais vainqueurs et se souciant peu de la menace de Mlle Hedwige, ils s’en furent droit devant eux sous de très vieux arbres, sous le vélum vert et léger des frondaisons, le long des petits sentiers à peine séchés depuis les pluies du printemps, emmenant avec eux leur enfant de deux ans qu’il leur semblait avoir retrouvé après qu’ils l’eussent perdu.

Il parlait presque couramment déjà, merveilleusement développé par les soins dits inintelligents de Mme Poulut. L’ascendance méridionale l’avait plus marqué que la bretonne. Bien campé sur des talons fermes, fait d’une chair drue et serrée, les bras potelés, il avait le visage doré et les cheveux aile de corbeau de sa grand’mère Rousselière. Mais par un de ces charmants miracles d’une hérédité double, sous ses boucles de soie noire, voici qu’après deux générations revivaient — don du vieux pêcheur de Concarneau — l’azur des yeux celtiques.

C’était un petit enfant plein d’attraits que Geneviève un peu ivre d’orgueil devant lui se reprochait, à tort, de surestimer. Doux et cares-