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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/28

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sur l’or et se tassaient dans un appartement trop exigu, avaient fait la chambre de leurs quatre fils, Pierre qui préparait Saint-Cyr, Henri qui étudiait l’art dentaire, Marc et Jean encore au lycée. Quatre lits de fer et une table en sapin verni noir, toute irisée de taches d’encre séchées, avec six chaises de paille dont il n’était point une qui ne fût défoncée, et une vaste armoire bretonne en chêne sculpté comme on en fabrique à Quimper la meublaient, contrastant avec l’or des moulures au plafond. « Maman ! Maman ! vociférait le jeune Jean, encore dans sa treizième année, Pierre est en train de me casser les deux poignets ! » Mais placide à son fourneau, la bonne Mme Braspartz surveillait dans la poêle une magnifique friture de pommes de terre n’ayant cure des tortionnaires ni du martyr. Elle en avait vu d’autres avec ces quatre galopins qui, par ailleurs, s’adoraient et ne pouvaient se passer les uns des autres. Il en fallait davantage pour troubler cette Bretonne pur sang, qui, fille d’un notaire de Quimperlé avait, en 1903, épousé Braspartz, le premier clerc de son père. Après la grande guerre, l’honnête Braspartz qui l’avait faite en soldat têtu et impassible, non sans quelques balles et éclats d’obus çà et là, trouvait devant lui cinq enfants et qu’il fallait éduquer. Quimperlé offrait peu de ressources. Refusant l’étude de son beau-père, il obtint une situation de maître-clerc chez un moyen notaire parisien. Le taciturne Braspartz fut bien un peu éberlué par la vie des affaires à Paris. Mais nul être ne s’adapte mieux à la nouveauté ou à l’imprévu que le Celte. Loin de perdre pied dans l’étude enfiévrée de son nouveau patron, si différente de celle qui sommeillait sous ses panonceaux, place du Mail, à Quimperlé, il y apporta un ordre et une tranquillité qui subjuguèrent ses adversaires, c’est-à-dire ses subordonnés.