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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/48

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choses ont changé, mais pas ça. Il faut toujours une femme à la maison.

— Ah ! Fils du félibre ! vous êtes terrible ! Je parle raison et vous faites de la poésie. Je vois la réalité, et vous poursuivez un rêve. Il faut pourtant que nous parvenions à nous entendre, puisque nous voulons bien fermement lier nos vies. Ne soyez pas absolu. Moi aussi j’ai le culte du Foyer. J’ai aimé celui de mon enfance. J’adorerai le nôtre, celui que construira notre union, qui l’abritera ; qui la symbolisera même si vous voulez. Mais ne me forcez pas à le voir comme une prison qui m’enchaînera, jugulera tous mes efforts. Je me fais forte de vous organiser une vie matérielle très agréable dans une maison où je ne serai pas éternellement enfermée, mais où je ne rentrerai chaque soir en votre compagnie qu’avec plus de joie. Bon sang ! ce n’est pas sorcier de diriger un intérieur quand on a su choisir une domestique intelligente et sûre. Et voyez comme vous êtes injuste, aveugle même, Rousselière ! Nous serons beaucoup moins séparés si je continue mes fonctions. Nous ne serons même plus séparés du tout. Et vous venez me demander de renoncer à ma carrière au nom d’une union plus absolue ! Mais je reconnais bien là les exigences de l’homme du Midi qui entend demeurer le seul pourvoyeur de la famille, parce que le pourvoyeur est aussi le dominateur. Pouvez-vous croire que j’aie pensé à de telles choses ! s’écria Denis avec tristesse. J’ai fait un rêve seulement. J’ai rêvé ma vie près de vous ; je l’ai rêvée comme une réaction contre le bureau que je déteste. Je vous ai vue arrachée à cette existence factice, barbare, poussiéreuse, et devenir la reine chérie d’un petit domaine à nous tout seuls : notre maison. J’ai rêvé d’être attendu par vous, peut-être derrière un rideau, comme en province,