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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/59

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les yeux vers le boulevard, je viens de passer les plus affreuses semaines de ma vie.

— Si vous aviez souffert autant que moi, reprit durement Rousselière, il y a longtemps que vous seriez venue me trouver bien simplement pour me dire : Je mets notre amour au-dessus de tout ; je renonce ; mes ambitions ne sont rien auprès de la joie dans l’amour.

— Mais Rousselière, pourquoi n’auriez-vous pas eu le même geste ? Je l’attendais, il ne me semblait pas que vous pussiez faire si bon marché de ma promesse, de moi-même.

Ce garçon si sensible avait devant les yeux la figure même de son bonheur, cette belle et fière Braspartz qui lui renouvelait là, sous cette forme, ses premiers propos d’accordailles. Il ne s’en fallait que d’un mot de lui pour que demain on publiât leur mariage. Elle le tentait volontairement, consciemment. Elle se flattait de l’obtenir sans débours, sans renoncement, gratuitement, pendant que lui paierait son bonheur du sacrifice de ce qu’elle appelait son orgueil de pourvoyeur du foyer.

Rousselière acculé à cette minute ultime où Geneviève allait lui échapper pour toujours perdit cœur. Il lisait une prière dans ses yeux humides au surplus. Elle l’aimait. Il n’en pouvait douter. Pas assez pour lui sacrifier ses ambitions. Assez pour souffrir beaucoup de renoncer à lui. Un homme très épris ne peut en demander davantage. Lui, se sentait assez de tendresse pour passer à cette compagne orgueilleuse le caprice de garder sa personnalité intangible, sa situation, ses gains personnels. Il se rapprocha un peu d’elle, prit ses mains, la contemplant d’un regard qui était le don complet de toute son âme.

— Chérie, lui dit-il, ce sera comme vous vou-