Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/72

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Après quatre jours de festivités, de congratulations, de chemin de fer, de repos à l’hôtel, de bousculades en autocars, de paysages filant au long des vitres, enfin des agitations d’un songe fait en pleine fièvre, d’une sorte de sommeil sous 39° 5 de température, Geneviève et Denis s’éveillèrent un matin face à face, étendus à même le sol dans une calme lande, sur une falaise dominant un lac bien houleux — qui n’était autre que la baie de Douarnenez, au fond de laquelle dort, dit-on, la Ville d’Ys engloutie, dont les cloches sonnent encore les jours de tempête.

Aujourd’hui, par ce matin léger, bleu pâle, plein de papillons jaunes s’ébattant en grand silence sur le vert bronze des ajoncs, dans cette plaine exhaussée de vingt mètres, les cloches ne sonnaient pas, mais l’on voyait de l’autre côté du golfe pointer là-bas le clocher de Douarnenez et les hautes cheminées des sardineries.

Ce mari et cette femme de quatre jours se regardèrent soudain avec des yeux surpris, ayant tout à coup, pour la première fois dans cette sérénité, pris conscience de la nouvelle vie qu’ils commençaient à deux. Oui, ils étaient bien ce Provençal et cette Bretonne qui grattaient naguère ensemble du papier non loin l’un de l’autre dans un ministère parisien. Ce passé leur semblait bien loin, ils le reconnaissaient à peine. Mais ses images les aidaient à se ressaisir.

— Quand je pense, disait Geneviève, que j’avais rêvé de te connaître et de me lier avec toi au cours d’une visite à l’Exposition coloniale ! C’était un peu sot, n’est-ce pas ? Ces paysages artificiels, malgré tout l’art qu’ils représentent, ne pouvaient nous marquer que de leur illusion.

— Moi, reprenait Denis, singeant la mine d’un mari brimé, j’avais bien d’autres ambitions. C’était