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Page:Yver - Madame Sous-Chef.djvu/81

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Tu ne peux prétendre d’ailleurs à satisfaire ici ta gourmandise autant que chez ta bonne mère, friande comme une chatte et qui traite la cuisine comme un art majeur !

— C’est bien ce que je reproche au restaurant : On ne peut rien en exiger…

— Alors, il ne fallait pas louer Porte de Saint-Cloud, mais accepter n’importe quel appartement obscur dans le VIIe puisque nous n’étions pas assez riches pour les maisons confortables de ce quartier !

— Oh ! il eût suffi… ne put retenir Rousselière.

— Quoi ? Quoi ? Il eût suffi de quoi ?

Il hésita, il se sentait commettre une erreur en extériorisant cette bouffée d’humeur qui montait en lui aujourd’hui, par hasard, dans le tintamarre de ces mangeurs avides et le tourbillon des garçons soutenant de trois doigts en l’air l’équilibre d’un plat ; dans les fumets emmêlés des civets, de la friture, de l’échalote des hors-d’œuvre et celui des abricots épluchés. Il voyait, clair comme le jour, qu’il allait blesser Geneviève. Mais il est dur de se rentrer en gorge les propos d’une mauvaise humeur qui vous étouffe, surtout quand on fut un enfant gâté.

— Si nous avions eu un ménage normal et que tu fusses restée à la maison pour surveiller les repas, c’eût été un jeu pour moi de sauter dans un autobus et de gagner notre quartier lointain. Et je ne t’aurais quittée qu’au bout d’une heure, le temps de savourer notre déjeuner en tête à tête, de le célébrer comme un rite antique, symbole de l’intimité et de l’union, ainsi qu’est déjà notre repas du soir. Seul je me serais débrouillé. Mais je ne peux t’imposer cette gymnastique, ce tour de force. Alors, tant que tu seras fonctionnaire comme moi…