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princesses de science

Seulement on voyait ses paupières fripées, ses yeux dont l’éclat était mort. Il reprit :

— D’ailleurs, ma pauvre amie avait désiré que je demeure ici pour exercer. Ç’a été sa suprême prière. Elle voulait que je vécusse encore, après elle, et elle a tracé lucidement le programme de mon existence. Je m’y suis soumis… Ma chère Thérèse, voyez-vous, c’était une de ces femmes par qui un homme se laisse guider sans honte, aimantes et dévouées jusqu’à l’immolation absolue, et dont la conscience lumineuse et pure s’élève comme une flamme, à mesure qu’elles semblent s’anéantir dans le dévouement et dans l’amour. Je ne fus devant elle qu’un disciple. Ah ! notre vie était belle !…

Thérèse, la gorge contractée, sentait venir des larmes. Elle leva les yeux sur le portrait, curieuse de cette créature extraordinaire qui se survivait superbement dans l’impérissable passion de cet homme vieillissant. Et elle vit soudain en cette image comme la figure allégorique d’un amour supérieur. Mais qu’était donc au juste cette femme, pour avoir fait de son mari un être d’exception, rien qu’en l’aimant ?

Fernand Guéméné, la voix altérée par l’émotion, prononça, un peu surpris :

— Vous exercez ?…

Il savait le veuf dans l’aisance, et combien modeste était son train de vie. De plus, son chagrin aurait expliqué une retraite prématurée.