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princesses de science

amorti des cuillers, le bruit des propos s’enfla. On entendait la grosse voix d’Artout qui, ayant perçu quelques mots scientifiques échangés entre madame Jourdeaux et Fernand Guéméné, s’écria :

— Ces gens du monde sont étonnants ! Avec tout ce qu’ils apprennent maintenant, nous sommes fichus. Ma parole, ils nous collent sans cesse ; ils connaissent avant nous leurs maladies, ils se permettent de les discuter et nous donnent au besoin des consultations sur leur état. On devrait interdire aux revues la publication de ces articles de physiologie ou de thérapeutique où se délecte la clientèle… Alors, quoi ? qu’est-ce qui nous reste, si nos malades en savent autant que nous ?

Un peu effrayée, la douce madame Jourdeaux leva sur lui ses sombres yeux de brune ; mais le brave homme riait, malgré son air terrible : aussitôt, rassurée, elle reprit avec Guéméné l’histoire du mal dont souffrait son mari. Fernand se penchait vers elle, l’écoutait complaisamment, la questionnait même. Herlinge et madame de Bunod, répondant à la sortie d’Artout, défendaient au contraire l’utilité de la clairvoyance et du savoir chez le malade.

— En étiez-vous plus avancés, docteur, demanda la froide femme aux cheveux blancs, quand le client, interrogé par vous, déclarait que « ses nerfs se nouaient sur son estomac » ou bien « qu’il sentait là une barre de fer » ?

Sous ses bandeaux blancs, les diamants de ses oreilles étincelaient. Sa manche courte laissait voir