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princesses de science

il maintenant affirmer l’insuffisance de son lobe frontal ? Madame Lancelevée restait silencieuse. Il y avait en elle quelque chose d’étrange, ce soir. Certains la pensèrent jalouse du succès qu’on faisait à Thérèse. Artout, en effet, clamait à pleine voix que « cette petite Guéméné l’épatait carrément ». Gilbertus, hyperbolique, ne se gênait pas pour déclarer que « ce cerveau de femme détenait peut-être les grands mystères scientifiques de demain ». Morner trouvait amusant qu’une femme travaillât à ce point. Madame de Bunod complimenta le père. L’excellente Jeanne Adeline, très animée, disait à Fernand Guéméné, son voisin de gauche :

— Ah ! c’est beau ! c’est beau ! votre femme est une gaillarde, mon cher !

Et Boussard la complimenta :

— Vous donnez un bel exemple aux jeunes hommes, madame.

La doctoresse Lancelevée possédait aussi son laboratoire. Elle pratiquait la bactériologie. Le public ne la connaissait guère que d’après ce portrait où on la voyait en blouse blanche, devant une table chargée de fioles, et tenant dans ses mains un cobaye apeuré. Elle aurait eu fort à dire en l’occurrence. Elle se tut. On la crut vexée. Seul Bernard de Bunod, blême et les dents serrées, qui n’avait pas cessé de considérer Boussard, devina pourquoi, ce soir, l’impénétrable femme semblait étrange.

Le dessert venait de s’achever ; on passait au