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princesses de science

— Moi, ma chère, je ne vais pas chercher midi à quatorze heures ; je vois les choses tout bêtement. Vous êtes, en dépit de votre puissant cerveau, une fille saine et normale. Je viens de pénétrer dans le ménage d’une femme de votre sorte qui a donné à son mari le plus beau garçon du monde, malgré son métier, malgré sa cérébralité. Hier, j’ai rencontré Bernard de Bunod toujours aussi épris de vous. Ma foi, c’est bien simple, je fais un rapprochement et je me dis qu’après tout, puisque ce jeune homme vous offre son nom, sa grosse fortune, son romantique amour, vous feriez peut-être, en même temps qu’une bonne action, une pas mauvaise affaire, en imitant l’exemple de Thérèse Herlinge… Ce Bunod est intelligent, d’esprit fin, et un peu de bonheur vous aurait vite campé un gaillard là où on ne voit aujourd’hui qu’un pâle neurasthénique… Franchement, est-ce qu’un tel amour ne finit point par vous émouvoir un peu ? Vous n’êtes cependant pas une statue de marbre !

Elle répondit lentement, scandant ses phrases :

— Une femme-médecin n’a pas de cœur, une femme-médecin n’a pas de sens, une femme-médecin n’est pas une femme. Les mères de famille le savent si bien que madame de Bunod m’a remis entre les mains ce grand garçon, avec la confiance religieuse des autres quand elles conduisent à de jeunes confesseurs leurs filles adolescentes. Entre la clientèle et nous est une convention tacite, vénérable, intangible : nous ne sommes plus que des