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princesses de science

— Mais dit elle, chagrine, tu ne m’avais jamais parlé sérieusement de ces travaux !

— Nous pouvons si rarement causer ! reprit le jeune mari, exhalant, cette fois, tout un arrière-fond de rancune ; tu as déjà tant de soucis personnels !… Puis je n’étais pas sûr de réussir. La chance donne de l’importance à mes études ; un insuccès les eût rendues risibles. Moi-même, je ne savais pas leur vraie valeur. Tu les aurais critiquées sévèrement. Tu ne peux pas être une petite compagne naïve, s’extasiant devant les moindres idées de son mari… Tu as d’ailleurs ta vie en dehors de moi, et je ne pouvais te faire subir mes états d’âme, mes découragements, mes transes, mes obsessions, tout ce qui m’a secoué depuis quinze mois sans que je te le dise.

Elle se mit à pleurer :

— On dirait vraiment que je ne t’aime pas ! Qu’as-tu à me reprocher ? Tu m’as dissimulé ton œuvre, et me donnes tort, maintenant ?

Mais il la quitta et demanda son fils. Les pères savent qu’un jour leurs enfants les jugent. Guéméné songeait déjà au temps où son fils, devenu jeune homme, l’admirerait. Et il l’embrassait follement, heureux de lui avoir préparé, en l’appelant à la vie, cette atmosphère de grandeur, de gloire, où l’enfant cheminerait désormais dans son sillage.

Thérèse éprouva des sentiments singuliers. Son mari fit un rapport sur le cas de Jourdeaux. Artout, Boussard, Herlinge, les grands chirurgiens,