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princesses de science

plats de marbre, aux rares cheveux grisonnants.

— Je voudrais vous parler en particulier, vint lui dire tout bas madame Lancelevée.

Et, comme Guéméné se préparait à les suivre, elle le repoussa doucement.

Alors, dans la pièce contiguë où le jour commençait à blanchir les guipures des rideaux, ils se trouvèrent en tête à tête. Ils se considérèrent un instant, les paupières palpitantes, et cette minute de silence fut si étrange, si tragique, qu’ils eurent conscience aussitôt de se troubler mutuellement, de s’attirer l’un l’autre, et de résister encore, comme si l’heure n’était pas venue… Et il en allait toujours ainsi. Ils s’étaient vus à la clinique de la Charité, — où elle venait parfois, sans fausse pudeur, chercher sa présence ; — à son cours, — où avec l’orgueil de sa franchise, elle se plaçait au premier rang de l’amphithéâtre. — Ils s’étaient rencontrés dans la clientèle, où elle l’avait appelé en consultation. Jamais un mot, une attitude n’avait démenti leur froideur. Mais, à chaque fois, en dépit de tout, l’emprise réciproque se renforçait. Il l’éblouissait par son génie ; elle le dominait par son mystère. Rigides l’un devant l’autre, pareils à des statues, ils se regardaient en face, se défiant presque.

— Mon cher maître, dit-elle, il y a dans ce ménage un point délicat dont je voulais vous avertir. Mon confrère madame Guéméné, pour se livrer plus aisément à sa profession, a pris une nourrice ;