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princesses de science

admirable avec ses bottines rapiécées, son éternelle robe de pilou et son travail acharné ! Elle nous l’a dit, l’anatomie la rebute, elle n’y peut appliquer son esprit rêveur et léger ; mais elle passe les nuits sur ses livres : elle en est blême, le matin, et c’est ainsi qu’elle a emporté son examen de première année. Vous croyez que je n’apprécie pas à sa juste valeur une femme de cette trempe qui, sans le sou, étrangère, timide, a su se tailler une telle personnalité et mordre à la vie de cette manière ? Seulement, je me tromperais bien, si cette farouche travailleuse ne cachait pas une jeune fille vibrante et passionnée, prête à secouer sa cuirasse d’indifférence et de sauvagerie pour s’épanouir en femme complète, le jour où la nécessité de gagner durement sa vie disparaîtrait, la laissant libre d’être, à sa guise, amoureuse, épouse et mère, comme les autres ! Et voilà, Thérèse, de quelle façon j’admets les femmes-médecins. Certes, je trouverais malséant que les hommes refusent encore à celles dont ils n’ont pas voulu devenir les maris le droit d’exercer des professions où elles peuvent vivre indépendantes au même titre qu’eux ; mais, si d’aventure ils les épousent, que tout rentre dans l’ordre, et que l’homme, se faisant le soutien du ménage, comme il est juste, la femme s’abandonne tout entière à sa fonction souveraine, qui est de vivre pour son mari, pour ses enfants.

Puis, regardant Thérèse, il ajouta :

— Je vous révolte, n’est-ce pas ?