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princesses de science

mariage pèse à tes épaules ; je fus l’obstacle à ta gloire : veux-tu redevenir libre ?

Elle eut un sourire amer.

— C’est trop tard. Nous sommes mariés pour toujours.

Ils se défièrent, une minute, sans amour, sans plus rien de commun entre eux qu’une âpre rancune ; et, comme le tête-à-tête devenait intolérable, il la laissa dans cette chambre d’hôtel et s’en fut errer dans un verger qui s’étendait en pente derrière les cuisines. C’est là que le petit André Jourdeaux s’amusait. Il élevait des monticules de gravier, y plantait un brin de buis arraché aux bordures : et cela était un jardin. Ou bien il se promenait, déjà rêveur, le long des allées, sans jamais regarder plus haut que les poiriers en espalier qui plaquaient, contre la muraille décrépie, leur dessin régulier d’arbres généalogiques.

Quand Guéméné parut, le gamin se promenait ainsi à petits pas, sans secousse, comme les somnambules ou ceux qui font des songes tout éveillés.

— À quoi penses-tu donc ? interrogea le docteur adoucissant sa voix et s’efforçant de sourire.

L’enfant, intimidé, mordit le bout de son ongle et avoua :

— J’étais, semblant, un explorateur ; j’arrivais chez les sauvages, dans le désert, et peut-être qu’ils allaient me tuer.

Guéméné, dont les nerfs étaient immodérément tendus, le voyait homme déjà, impérieux, avide,