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princesses de science

activité de la Marthe évangélique. Et, en effet, elle se leva vivement, s’affaira, perdit d’abord un peu la tête, fourragea les compotiers, les boîtes à biscuits, envoya une servante à la cave, dressa les gâteaux dans les assiettes, salit ses mains dans l’office à palper elle-même les poires qui mûrissaient sur l’étagère, pensa n’en jamais finir, et revint, au bout de cinq minutes, avec le guéridon qui fleurait les fruits ambrés et la vanille.

Il se délecta. Elle le regardait, attendrie. Un monde de pensées roulait en elle. À la fin, elle soupira, les yeux mouillés :

— Pauvre ami !

Et lui aussi s’amollissait dans le bien-être. L’amitié de cette douce femme faisait comme un manteau enveloppant et chaud autour de son âme que le foyer trop froid avait lentement glacée. Il ne disait rien, se laissait bercer, béatement, songeait aux peines multiples que Thérèse lui avait fait subir, qu’il n’avait jamais confiées à personne, et qui lui paraissaient plus cruelles aujourd’hui sans qu’il sût pourquoi.

Madame Jourdeaux voulut absolument qu’après le vin, il fumât. Il s’y refusait en riant, disant que c’était ici une chambre, qu’il n’avait nul besoin de sa cigarette, que jamais il ne consentirait… Mais elle insista, se fit si pressante, si suppliante même, qu’il obéit. Elle était de ces femmes qui se complaisent dans les satisfactions qu’elles donnent, qui s’ingénient à les créer, à les inventer, et dont