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princesses de science

ami, ce n’est pas une scène que je viens te faire. Nous sommes de force, l’un et l’autre, à regarder la vérité en face. Je viens raisonner avec toi de notre misère. Je ne t’accable pas, tu vois. Nous pouvons, en dehors de l’amour, demeurer deux êtres de bonne foi, capables de s’entendre encore, sans animosité, sans haine. Nous nous sommes tant aimés ! nous ne pouvons pas nous haïr…

Il s’émut à la voir frémir sous ce calme d’emprunt. Il se sentit aimé autant, plus peut-être qu’autrefois, par cette belle épouse si noble et si malheureuse. Mais rien ne vibrait plus en lui que la pitié pour celle à l’orgueil de qui s’était usé son amour.

— Nous haïr ! ma pauvre Thérèse ! dit-il avec cette douceur particulière qu’on a pour les affligés, y penses-tu ? Mais tu es toujours mon amie, ma femme très chère : je sais ce que tu vaux, je ne l’oublie pas. Ai-je été jamais dur, injuste pour toi ? T’ai-je jamais fait du chagrin ?…

— Fernand, répliqua-t-elle, plus grave, je te supplie de ne plus t’en tenir aux artifices des mots. J’ai le droit de te demander cela : car, si je ne fus pas la compagne que tu rêvais, au moins je n’ai été, moi non plus, ni méchante ni indigne. Mettons nos âmes toutes nues ; parlons dans l’absolue sincérité. J’aurai le courage de tout entendre. Tu aimes une autre femme.

Guéméné sentit le mensonge lui devenir impossible en face de Thérèse désormais. Il se tut. Thérèse crispa ses deux mains sur l’appui de la