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princesses de science

son métier, et il devint la proie d’une illusion ardente et troublante pendant ses consultations : la porte du salon d’attente, contigu à son cabinet, ne s’ouvrait pas pour quelque nouvelle arrivante sans qu’il crût reconnaître le pas de mademoiselle Herlinge. L’idée que celle-ci, revenant sur sa décision et se laissant convaincre, abdiquerait sa profession pour se donner à lui, le hantait souvent. Alors il imaginait aisément qu’avec sa liberté d’étudiante elle aurait osé cette démarche délicate et digne, de venir se promettre ici même, pour le surprendre mieux et jouir de son bonheur éperdu. Il l’attendait perpétuellement, sans lassitude, sans réflexion. Mais quand il allait chercher les clients au salon d’attente pour les introduire, l’un après l’autre, dans son cabinet, et que d’un regard circulaire il parcourait toute la pièce, il endurait chaque fois la même déception à ne voir pas Thérèse.


Un jour, passant sur le quai aux Fleurs, il l’aperçut de loin. C’était jour de marché. Le trottoir, encombré de géraniums, de bégonias et de reines-marguerites, ces fleurs de l’été, n’était plus qu’un long parterre multicolore déroulé le long du parapet. Et la silhouette mince et noire de Thérèse se découpait là-bas, arrêtée dans sa marche, infléchie légèrement vers un carré de lumière rouge, crue et vibrante que dessinait à terre une masse de géraniums en pots.