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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/159

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tout le cycle des pensées possibles comme une lueur de foudre embrasse tout un ciel, Giselle comprit la pensée d’épouvante qui frappait son père. Ce père, elle le vit lâche. Prêt à tout sacrifier, même le bonheur de son enfant, à la passion qui dominait sa vie : l’ambition ! Alors sa fierté s’exaspéra. La générosité se haussa jusqu’au sacrifice. Elle eut l’intuition qu’un rêve s’effondrait en elle, sans qu’elle pût préciser quel était ce rêve qui, lentement, doucement, s’échafaudait dans son cœur depuis la rencontre de Meudon.

Elle s’avança de deux pas, tandis que Capestang reculait, lui, d’un mouvement instinctif, comme s’il eût compris et signifié qu’il devait s’effacer, lui, le pauvre petit gentilhomme, lui que le duc d’Angoulême, pour le remercier d’avoir sauvé sa fille, appelait un aventurier ! D’un geste de dignité qui eût paru sublime à quiconque eût pu lire dans l’âme de la jeune fille, d’une voix qui ne tremblait pas – Giselle lentement, tendit sa main à Cinq-Mars – Giselle prononça :

"M. le duc d’Angoulême a engagé sa parole et la mienne. Cette parole, j’ai juré de la respecter. Voici ma main, monsieur !"

Cinq-Mars saisit cette main, s’inclina très bas, et la baisa. Puis se redressant, il darda sur Capestang des yeux qui lui disaient clairement :

"Tu as pu me voler Marion, vulgaire aventurière comme toi. Mais tu ne peux me prendre ma fiancée qui t’écrase de sa noblesse, comme je t’écrase, moi, de ma fortune !"

Capestang souriait. Seulement il était livide, et, machinalement, essuyait la sueur glacée qui ruisselait sur son front. Quant au duc d’Angoulême, à peine Giselle eut-elle parlé, il la saisit dans ses bras avec un transport de joie, la serra violemment sur sa poitrine, et lui murmura à l’oreille :

"Tu me sauves ! Ma fille ! Mon vrai sang ! Mon honneur et ma gloire, je te bénis !"

Il ne s’apercevait pas que Giselle se raidissait de tout son être pour ne pas éclater en sanglots ! Ainsi furent consommées les fiançailles d’Henri de Cinq-Mars et de Giselle d’Angoulême.


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Alors, le duc de Guise, secouant le frisson que cette scène rapide avait provoqué en lui, désigna Capestang du doigt, et prononça :

"Il nous reste à savoir ce que monsieur venait faire ici.