Aller au contenu

Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sa hache !

"Messieurs, dit Condé, dominant le tumulte déchaîné par Capestang il nous faut dès cet instant aviser à nous mettre en sûreté."

Angoulême avait jeté un profond regard à Capestang. Il lui tendit la main et dit :

"Jeune homme, soyez des nôtres.

— Oui ! oui ! qu’il soit des nôtres ! C’est une rude épée. Il nous sauve tous !"

Les exclamations se croisèrent, se heurtèrent autour de Capestang impassible. Le chevalier attendit que le silence se fût rétabli. Alors il s’inclina de nouveau devant le duc d’Angoulême, dont il n’avait pas pris la main.

"Messieurs, dit-il, il y a une impossibilité flagrante à ce que je sois des vôtres. Je dois donc refuser l’honneur que vous me faites, comme je refusais tout à l’heure de me laisser tuer par vous.

— Quelle est cette impossibilité ? demanda Guise.

— C’est que nous sommes ennemis, monseigneur ! Entendons-nous : j’ai prétendu jouer un tour de ma façon à l’illustre Concino Concini que je hais... ou du moins que je croyais avoir des raisons de haïr. Je vous préviens de ce qu’il trame contre vous. C’est bien. Mais là s’arrêtent nos accointances, messieurs. Là, nous devenons ennemis. En effet, vous avez la prétention de détrôner, de tuer peut-être ce pauvre petit roi que personne n’aime, pas même sa mère. Or, figurez-vous que je me suis mis à l’aimer, moi ! Et j’ai décidé qu’il resterait sur le trône !"

En disant ces mots : J’ai décidé qu’il resterait sur le trône ! Capestang s’était campé, fier, emphatique, naïf et sublime, dans sa pose héroïque de capitan. Giselle, immobile et glacée, le contemplait avec une sorte d’admiration passionnée et désespérée. Le tumulte, de nouveau, gronda. Guise, Condé, Angoulême, cependant, se concertaient rapidement. Le duc secouant la tête, fit un pas vers Capestang, et prononça :

"Jeune homme, vous avez entendu ici des secrets terribles. Nous ne vous tuerons pas, car nous reconnaissons la loyauté de vos intentions. Mais vous vous déclarez notre ennemi. Moi-même, dès l’instant que je vous ai vu, j’ai senti en vous un ennemi. Pourtant, vous avez sauvé ma fille. Vous nous sauvez. C’est donc une trêve que j’impose à la haine que je sens en moi. Plus tard, quand vous serez libre, nous nous retrouverons. Pour le moment, nous nous gardons, et, pour cela, nous vous gardons. Monsieur, vous êtes notre prisonnier !

— Monsieur le chevalier de Capestang, vous êtes libre !" dit une voix ferme, emplie d’une inexprimable dignité et d’une étrange autorité.

Tous tressaillirent