Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/205

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sur son visage, puis une expression de fermeté… un regard de défi fut jeté sur la corbeille de roses. Elle s’assit. Cinq-Mars entra, marcha droit à elle, s’inclina comme s’il se fût incliné devant la reine de France, et :

"Madame, dit-il d’une voix tremblante, chassé loin de vous par vos rigueurs, je m’étais juré de ne jamais vous revoir ; et je ne fusse jamais revenu si je n’avais appris cette nuit que vous êtes en péril : me voici, madame.

— Qui vous a appris que j’eusse besoin d’un dévouement aveugle ? demanda Marion d’une voix ferme, sans inutile coquetterie.

— M. le chevalier de Capestang, dit Cinq-Mars avec effort.

— Et vous êtes décidé...

— À vous offrir ma vie, madame.

— C’est bien !" dit Marion avec le même accent de fermeté.

Ces quelques mots s’étaient échangés avec la rapidité de cliquetis de deux épées qui se tâtent au moment d’engager la lutte. Il y eut un instant de silence. Le marquis tremblait. Marion était pensive. Peut-être sondait-elle sa destinée. Sans doute, elle eut cette hésitation suprême qu’eut César avant de franchir le Rubicon. Elle reprit tout à coup :

"Marquis, faites bien attention à ce que je vous demande : m’aimez-vous ?"

Cinq-Mars eut un regard étonné. Puis il ramena ce regard sur les présents étalés sur la table, et répondit amèrement :

"Je ne suis pas le seul à vous aimer, madame. Ce peigne, ce magnifique joyau...

— Annette ! interrompit Marion avec une sorte de violence. (La soubrette parut.) Est-ce que le laquais de M. de Montereau est toujours là ? (La soubrette fit signe que oui.) Il attend ma réponse, n’est-ce pas ? La voici ! (Elle ferma l’écrin et le tendit à Annette.) Faites dire à M. le comte de Montereau que Marion Delorme se coiffe sans peigne. Allez, ma fille... (La soubrette sortit.) Maintenant, monsieur le marquis, voulez-vous me répondre ? M’aimez-vous ?

— Madame, dit Cinq-Mars, vous savez bien que je vous adore, que mon cœur...

— Des banalités, interrompit encore Marion. Je vois ce qui vous offusque. Annette ! Le laquais de M. de Rohan est là, n’est-ce pas ? Il attend ma réponse ? La voici. (Elle remit à la soubrette le collier de perles d’une valeur de vingt mille livres au moins.) Faites dire à M. le duc de Rohan qu’un collier ressemble trop à une chaîne, et que Marion Delorme ne veut point porter de chaîne. (Puis la soubrette étant sortie :) Marquis, je vous jure que ma question est sérieuse. M’aimez-vous ? Prenez garde ! De votre réponse dépendra la réponse que je dois faire au dernier des trois laquais que vous avez vu dans mon antichambre.