Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/212

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compatriote Castruccio. Je les fais venir de Tolède. Et vous, monsieur le maréchal ?"

Concini souffla comme le taureau qu’on vient de banderiller. Puis, dompté, se domptant lui-même, il reprit sa place en disant :

"Per la santissima Trinita, mon cher monsieur de Luçon, tout ce que vous me dites là, je me tue à me le dire. Et c’est pourquoi, bien que je n’aie pas à me reprocher les pensées ou l’amour que vous supposiez... pour vous, pas pour moi... eh bien, j’ai résolu de faire arrêter Angoulême. Mais comment ? Tout est là, sang du Christ !"

Et Concini grinça des dents.

"Je puis bien le faire arrêter, puisqu’elle est morte ! sanglota-t-il en lui.

— Maréchal, dit Richelieu, je vous apporte, vous disais-je mieux que des conseils dont vous n’avez que faire. Je vous apporte des renseignements exacts, précis. Vous connaissez le vieil hôtel d’Angoulême. Je sais que le duc y sera cette nuit. Je précise. Il arrivera à dix heures du soir et entrera par la petite porte qui se trouve sur les quais.

— Il est donc à Paris ? fit Concini avec un admirable étonnement.

— Il y est. Je dis donc que, cette nuit, entre dix et onze heures, il suffira de cerner l’hôtel d’Angoulême et de le fouiller.

— Ah ! monsieur l’évêque, vous me rendez la vie, c’est-à-dire le sommeil et l’appétit. Un tel service ne saurait demeurer sans récompense. Parlez, que désirez-vous ?"

Richelieu réfléchit une minute pour la forme, puis répondit :

"La jeune reine Anne d’Autriche n’a pas encore d’aumônier...

— Bien, monsieur. Demain, je fais signer votre nomination : vous êtes aumônier de la reine ! Ramasse ! continua Concini en lui-même. Ramasse les bribes de mon opulence et de ma puissance. Ramasse, prêtre orgueilleux, prêtre mendiant, jusqu’à ce que tu ramasses au détour de quelque ruelle un bon coup de pistolet dont ta cotte ne te sauvera pas, toute de Tolède qu’elle soit !"

Richelieu avait tressailli de joie. Ce poste d’aumônier de la reine qu’il venait d’obtenir par ruse et menace, il le convoitait ardemment : c’était son entrée dans le ménage royal ! Il chercha comment il pourrait remercier Concini et lui faire oublier qu’il venait de le conduire jusqu’au bord des abîmes de l’épouvante. Et il trouva !

"Maréchal, dit-il, mes renseignements ne s’arrêtent pas là.

— Quel nouveau coup va-t-il me porter ? songea Concini qui, les dents serrées, le visage convulsé, se demandait s’il ne ferait pas mieux d’étrangler de suite ce terrible jouteur.