Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/249

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Mais c’est donnant donnant. Laissez-moi ici. Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Et je paye d’avance !"

Lureau se creusa la cervelle pour résoudre ce problème : pourquoi Cogolin, qui n’avait pas payé la chambre alors qu’elle était logeable et bien meublée, la payait-il d’avance, maintenant qu’elle était vide ? Mais comme, en somme, peu lui importait, il conclut le marché, empocha les écus de Cogolin et l’assura qu’il pourrait rester dans l’auberge déserte.

"Toutefois, ajouta-t-il, ces écus que je viens de recevoir ne constituent pas une avance.

— Voilà qui est un peu fort ! dit Cogolin très indigné.

— C’est simplement un acompte sur ce que vous me devez, reprit sereinement Lureau. Donc, c’est maintenant qu’il faut payer l’avance. Mais rassurez-vous, ce ne sera pas en argent.

— Ah ! ah ! Et comment vous paierai-je, en ce cas ?

— En me répétant les trois mots magiques, dit Lureau.

— Oh ! oh ! Peste ! Corbacque ! Comme vous y allez ! Trois mots qui valent leur pesant d’or, une fortune ! Monsieur Lureau, j’aime mieux m’en aller. Tant pis pour vous et tant mieux pour moi si vous avez oublié les trois talismans."

Cogolin se leva. Lureau qui, au mot fortune avait tressailli, le saisit par le bras.

"Restez, monsieur Cogolin, s’écria-t-il, restez, je vous en supplie !

— Non, non ! Cela coûte trop cher ! dit audacieusement Cogolin. Bien, si vous voulez que je reste, rendez-moi mes dix écus."

Lureau eut avec lui-même un court débat. Le résultat de ses réflexions fut que les dix pièces à l’effigie du roi de France réintégrèrent la poche Cogolin étonné.

"Mais, fit l’hôte en tendant un crayon et du papier à Cogolin, vous allez m’écrire là-dessus les trois mots magiques.

— A l’instant même, dit Cogolin, à condition que vous les payiez une pistole pièce. Trois pistoles, monsieur Lureau. C’est pour rien ! Des mots dont chacun vaut mille écus d’or peut-être !"

Nouveau débat intérieur de l’aubergiste, nouveaux soupirs, et enfin triomphe de Cogolin, qui reçut les trois pistoles réclamées, en sorte que non seulement il ne versa pas le moindre ducaton pour la location passée et future, mais encore qu’il réalisa un bénéfice appréciable. Jugeant sans doute qu’il ne pouvait plus rien tirer de Lureau, il saisit le crayon, et sous le regard avide et ému de l’aubergiste, il écrivit : Parallaxis, Asclèpios, Catachrèsis.

Lureau saisit le précieux papier, le plia respectueusement et le fit disparaître.

"Quel est le plus important des trois mots ? demanda-t-il alors.

Catachrèsis !