Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/294

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te mange ! Ah ! ribaud, sacripant, mauvais garçon, ladre-vert, paillard fourbe, parpaillot !"

Sous cette grêle d’injures, Cogolin eût gardé le calme qui convient à la vertu calomniée si elle n’eût été accompagnée d’une autre grêle beaucoup plus frappante : coups de poing, coups de pied, coups de bâton, de l’hôtesse, de son mari, du garçon, accourus aux cris ; vociférations, tumulte, gémissements, et finalement Cogolin arraché de son banc, poussé, repoussé, houspillé, fut jeté dehors d’une dernière bourrade, et alla rouler dans le ruisseau, tout meurtri, tout confus, tout saignant et poussant des plaintes lamentables.

Ayant gémi tout son soûl, et sans que personne s’avisât de venir le secourir, Cogolin, voyant qu’il ne gagnait rien à crier « Au feu ! » et « Au meurtre ! », se releva, se tâta, constata qu’il n’avait rien de cassé ; puis, tout étourdi du vin qu’il avait bu, de la rossée qu’il avait reçue, et de l’étonnement que lui causait l’inconcevable disparition de ses six écus, clopin-clopant, il se mit en route.

Il se dirigeait vers l’auberge de la rue de Vaugirard, non dans l’espoir d’y retrouver le chevalier, mais dans la pensée de se reposer dans le grenier et d’y cuver à son aise vin, rossée et le reste.

Le jour commençait à poindre lorsqu’un coup violent sur le nez étendit le malheureux Cogolin tout de son long sur la chaussée de Vaugirard, où il était parvenu tout en monologuant. Il entendit des vociférations furieuses. Il sentit sur son dos le pied d’une foule de gens qui, en courant, lui marchaient dessus. Affolé, ahuri, contus, moulu, éperdu, Cogolin parvint à se traîner dans un coin, et, redressant sa tête en gémissant, il demeura tout à coup stupide d’effarement devant ce qu’il voyait. Il se trouvait devant l’auberge du Grand-Henri, son auberge ! Des gens armés la cernaient ! La cour était pleine de gentilshommes, l’épée à la main.

"Quoi ! grogna Cogolin, c’est moi qui ai loué ce logis ! Oh ! que veut cette face de carême que je reconnais ?"

Cogolin se dégrisait. La face de carême, c’était quelqu’un qui venait de s’approcher de Concini et lui disait quelques mots, c’était Laffemas. Comme en rêve, Cogolin vit Laffemas s’élancer vers un hangar, et en sortir avec des fascines auxquelles il mettait le feu.

"Bravo, monsieur Laffemas ! hurla Concini.

— Laffemas ! gronda Cogolin. Laffemas ! mon sacripant de l’hôtel d’Angoulême ! Et pourquoi met-il le feu à mon auberge ? Je me plaindrai à M. le chevalier ! Oh ! le chevalier ! là ! il descend l’escalier ! miséricorde !"

Cogolin fit un effort pour se lever et parvint à se mettre sur ses genoux. Et, pétrifié, horrifié, les yeux agrandis par l’épouvante, il assista au dernier et rapide épisode de la prise de Capestang, il le vit succomber, il vit qu’on le jetait sur un cheval