Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/30

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de ces lamentations d’épouvante comme Capestang les avait entendues de sa fenêtre, et elle se mit à fuir. Le chevalier voulut s’élancer sur ses traces ; il la rejoignit au bas d’un escalier, et là, il fut cloué sur place par cet étrange et douloureux éclat de rire de tout à l’heure. L’inconnue, Violetta, puisqu’elle même s’appelait ainsi, s’était arrêtée, elle se retournait, elle étendait les bras, elle fronçait le sourcil, elle râlait :

"Que faites-vous ici ?... Je vous défends de me suivre ! Nul ne doit pénétrer dans ma retraite ! Nul, entendez-vous ! Oh ! si vous êtes ce que vos jeunes traits indiquent, si un cœur de gentilhomme bat sous ce pourpoint, allez...

― Mais vous êtes blessée, laissez-moi au moins vous...

― Votre parole, interrompit solennellement Violetta. Je veux votre parole que vous ne me suivrez pas ! que vous n'entrerez plus jamais ici à moins que je ne vous appelle !

― Madame... par pitié pour vous-même...

― Votre parole ! fit la dame blanche avec une fébrile impatience. Êtes-vous homme d’honneur ? Est-ce une épée que vous portez ? Oh ! les jeunes hommes de ce temps ont-ils donc oublié les vieux principes de chevalerie ? Votre parole, vous dis-je !"

Le chevalier s'inclina profondément et prononça :

"Vous l’avez, madame. Qui que vous soyez, si étranges que soient les circonstances, malgré votre blessure, malgré le désordre que je devine en votre pensée, pauvre femme, et je n’oserais vous parler ainsi si je n’étais pas sûr de ne pas être compris, oui, ajouta-t-il fièrement, malgré tout, il ne sera pas dit qu’une dame aurait fait en vain appel à l’honneur d’un Capestang.

― C'est bien, dit majestueusement Violetta, je vous appellerai quand j'aurai besoin de vous."

Capestang allait lui demander où et comment elle l’appellerait, puisqu’elle ne le connaissait pas, puisqu’elle ne savait pas où il allait. Mais déjà, la dame blanche montait l’escalier lentement, sans se retourner, et bientôt elle disparut, s’évanouit dans l’ombre d’un corridor, silencieuse comme une apparition de songe. L’esprit éperdu, Capestang s’élança au-dehors, traversa le parc, retrouva la brèche, courut à l’auberge de la Pie-Voleuse, et se mit à frapper à la porte à tour de bras.