Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/338

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contre le pilier : elle était fixée par le bas à une sorte d’extumescence, ou de bourrelet en fer qui faisait le tour du pilier. Ce bourrelet pouvait former une saillie d’environ vingt centimètres, et pour le moment, semblait être le soubassement du pilier.

Capestang vit la planchette. Avec la foudroyante instantanéité que l’esprit acquiert dans les rêves morbides, il comprit, il vit clairement que la planchette, c’était cette énorme et massive planche de fer. Du même regard, il vit cet ensemble formidable que formaient les anneaux, pinces ouvertes pour happer, et la planche, et le bourrelet de fer, et le pilier de fer au milieu de cette salle ronde comme un puits. Oui, le pilier lui-même, le lourd, monstrueux pilier était de fer ; ce devait être du fer poli ou de l’acier, car il luisait vaguement, il avait des lueurs grasses comme le cylindre frotté d’huile de quelque gigantesque machine. Pourquoi cette planche ? Pourquoi ce pilier ? Pourquoi ce bourrelet ? Pourquoi ces anneaux ? Pourquoi cette salle ronde comme un puits ? Une seconde, ces questions tombèrent sur le cerveau de Capestang, en avalanche. Chacune d’elles fut un coup de masse porté à son crâne. Pourquoi ! Pourquoi ! Il se hurla à lui-même : « Pour l’accomplissement de l’horrible ! »

Il se raidit pour reculer, dans cette révolte vitale, dans ce suprême sursaut d’agonie que tous les animaux sans exception éprouvent devant l’instrument de mort. Il entendit en lui-même une sorte de hurlement prolongé. Dans le même instant, Belphégor le poussa contre la planchette, le dos à la planchette. Et Capestang vit que deux anneaux de fer, deux des pinces ouvertes s’étaient refermées et encerclaient ses chevilles. La seconde d’après, il entendit le bruit sec de deux autres anneaux qui se refermaient : ses deux poignets étaient pris ! Après les chevilles et les poignets, les deux coudes furent saisis. Puis les deux genoux. Puis enfin, le neuvième et dernier anneau l’empoigna par le cou. L’Horrible l’enlaçait de ses neuf bras. Les neuf pinces de fer l’avaient happé par les chevilles et les genoux, par les coudes et les poignets, et enfin par le cou. Ainsi, il ne pouvait plus faire un mouvement. Il était incorporé à la planchette.

Des idées comme en enfantent les cauchemars glissaient, pareilles à des larves, sur sa conscience à demi abolie. Il eût maintenant consenti à toutes les tortures à condition de pouvoir au moins bégayer avec ses lèvres paralysées ce qui hurlait en lui. Puis, ces notions mêmes disparurent, il ferma les paupières. Tout à coup, il sentit la vie et la vigueur lui revenir à flots pressés. Il ouvrit les yeux et vit que le Nubien lui faisait respirer l’âcre et subtil parfum d’une liqueur contenue dans un menu flacon.

"Il m’empoisonne ! songea Capestang. Enfin ! Enfin ! Je vais être délivré par la mort !"