Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/37

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sur les nuées noires… Sa main frémissante alla chercher comme à tâtons, quelque chose qui luisait à sa ceinture de cuir. A ce moment, le comte d’Auvergne ouvrit les yeux !

"Trop tard !" rugit en lui-même Condé.

Guise lâchait la poignée d’un court poignard qu’il portait à la ceinture… et à son tour, il recula : le comte d’Auvergne se redressait sur un genou, puis se remettait debout !

"Messieurs, bégaya-t-il au bout de quelques instants, pardonnez à ma douleur...

― Douleur paternelle bien naturelle, dit Guise d’une voix qui tremblait un peu. Une fille si charmante !

― Elle eût été l'ornement de votre cour, sire ! fit Condé.

― Il n'y a plus de cour, plus de sire pour moi ! dit le père de Giselle en étouffant un sanglot. Jusqu’à ce que je l’aie retrouvée, je ne suis que l’ombre de moi-même. Jusqu’à ce que j’aie mis la main sur ce misérable qui a osé laisser son nom sur ce parchemin où nous devions apposer nos trois signatures, je ne vis plus… messieurs... oh !… messieurs, je suis brisé. L’hospitalité que je comptais vous offrir ici serait..."

Les sanglots interrompirent le malheureux père frappé au cœur.

"Ne vous inquiétez pas, fit le duc de Guise, nous avons nos chevaux et nos laquais à la Pie-Voleuse..."

"Et en attendant, nous ne signons pas !" songea Condé tout joyeux.

Et Guise, de son côté, songeait :

"Mon bras vient d'hésiter une seconde... c'est peut-être la couronne que je viens de perdre ! Lorsque j’ai frappé Saint-Pol, je n’ai pas tremblé... et maintenant..."

"Remettons donc à plus tard le suprême entretien que nous devions avoir ici, reprit le comte d’Auvergne en domptant sa douleur. Messieurs, je monte à cheval, et, au risque d’une arrestation, au risque de la Bastille, au risque même de ma vie, je cours à Paris, je le fouillerai rue par rue, pierre par pierre, mais ce Capestang, quel qu’il soit, noble ou manant, homme ou démon, mourra de ma main : mais je la retrouverai. Je reprendrai ma fille !"

Dix minutes plus tard, le duc de Guise et le prince de Condé avaient regagné l’auberge de la Pie-Voleuse, et bientôt, s’étant mis en selle, s’éloignaient d’un bon trot dans la nuit, suivis de leurs laquais armés jusqu’aux dents.


Notes :