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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/378

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Puisque vous n’avez pas d’argent, je vais vous proposer un arrangement qui en mettra dans votre poche, tout en me payant : laissez-moi le cheval de votre laquais, et non seulement je vous tiens quitte, mais encore je vous redois cent cinquante livres, que je vous paie à l’instant même.

— Voilà une idée. Donne tes quinze pistoles.

— Monsieur, dit Cogolin qui entrait à ce moment, les chevaux sont sellés."

Garo alignait quinze pistoles sur un coin de table. Capestang en mit dix dans sa poche, et remit les cinq autres à Cogolin en lui disant :

"Mon pauvre Lachance, tu me rejoindras plus tard. Ou bien c’est moi qui viendrai te retrouver.

— Quoi ! Monsieur ne m’emmène pas ! Monsieur me renvoie ! Monsieur me chasse ! Je perds monsieur juste au moment où je croyais l’avoir retrouvé pour toujours ! Oh ! la guigne acharnée qui me persécute !"

Et Cogolin fondit en larmes.

"Tu me fends le cœur, dit Capestang. Mais si longues que soient tes jambes, tu ne pourras me suivre à pied. Longjumeau, Etampes, Orléans, et le reste... ce sont de rudes étapes. Console-toi, je serai bientôt de retour. Où loges-tu ?

— Hélas ! monsieur ! Au coin de la rue des Lombards, à l’enseigne du Borgne-qui-prend. Puisque monsieur m’abandonne, je suis bien forcé de retourner chez M. Turlupin pour y recevoir des volées de coups de canne."

Quelques minutes plus tard, notre aventurier sautait sur Fend-l’Air, qui piaffait de joyeuse impatience, et, s’éloignait d’un bon trot, disparaissant bientôt au fond de la route de Vaugirard. Cogolin, tout triste, reprenait le chemin de la rue des Lombards. Et Garo, entrant dans une salle de l’auberge, y trouva Pontraille qui s’était heurté à Chalabre lequel, on s’en souvient, suivait le chevalier depuis la rue de Tournon.

"Messieurs, dit l’aubergiste, il part pour Orléans, par Longjumeau et Étampes.

— Et Bazorges qui ne nous amène pas de renfort ! gronda Chalabre.

— L’attaquons-nous à nous deux seuls ?" fit Pontraille.

Chalabre haussa les épaules.

"Ne te change pas en capitan toi-même, dit-il sincèrement. Quand on veut prendre ou tuer un pareil démon, il faut être douze, et encore, quand il est pris, quand il est tué, il en revient ! Attendons nos camarades, puisque nous savons quelle route il prend !"