Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/432

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fébrile, horrifié, une idée géniale s’imposa à lui : il sauta sur l’un des chevaux, de là sur les épaules du géant ; il arracha son immense perruque, et il la fourra en tampon dans la bouche, sur les yeux, il en couvrit le visage de l’homme, il la lia derrière la tête. Alors, il se mit à étreindre convulsivement la gorge de son ennemi. Tout à coup, il comprit qu’il tombait. Il se retrouva sur la chaussée, vérifia rapidement qu’il n’était pas mort, qu’il ne lui manquait rien, sinon sa perruque, et alors, d’une voix éclatante, cria : « Victoire ! »

Alors, il bondit à la porte de l’hôtel de Cinq-Mars, se mit à frapper le marteau à tour de bras. La porte s’ouvre, le suisse apparaît accompagné de Lanterne, tous deux armés, tous deux porteurs de flambeaux. Cogolin les entraîne au carrosse, et Lanterne demeure pétrifié, suffoqué de douleur en présence de son maître évanoui.

Cependant, Capestang a débâillonné le jeune marquis, il a coupé ses liens. On saisit le jeune homme, on le transporte dans l’hôtel. Capestang y fait aussi porter le cocher, qui commence à revenir à lui et qui est enfermé à double tour dans une salle basse. Enfin, on y porte aussi Chémant - et, tandis que des soins empressés sont donnés à Cinq-Mars toujours évanoui, Capestang revient à Chémant, étendu sur un lit.

"Monsieur, dit-il, vous rendez-vous à merci ? Si c’est non, dites-le - et je vous tue, sur ma foi, malgré tout le regret que j’en puisse éprouver. Si c’est oui, dites-moi simplement comment il se fait que M. de Richelieu vous ait donné l’ordre de conduire M. de Cinq-Mars à la Bastille."

Chémant voit ce visage terrible, tout enflammé par la lutte. Chémant y lit sa condamnation. Chémant est tout jeune : il veut vivre ! Et il murmure :

"Je me rends, monsieur !"

Capestang remet son épée au fourreau, découvre la blessure de son adversaire, la lave, la panse soigneusement, et dit :

"Parlez, maintenant !

— Quel homme est-ce là ?" balbutie Chémant. Il veut me tuer, et il me soigne comme un frère. Ma foi, c’est un brave, et un galant homme !... Monsieur, la vérité est simple : M. de Richelieu et M. de Cinq-Mars sont férus d’amour pour la même femme : voilà toute l’histoire. Elle aime mieux M. de Cinq-Mars, et je le conçois, car il est aimable. M. de Richelieu a sa manière à lui de se faire aimer : il fait saisir Cinq-Mars. À la Bastille, Cinq-Mars ! Et il garde chez lui la petite. Vous voyez comme c’est simple !

— Ah ! murmura Capestang abasourdi de cette simplicité. La petite est donc chez lui ?

— Oui, monsieur, quai des Augustins, à deux pas de la rue Dauphine."

Capestang s’élança, sans en entendre plus long, pénétra dans la salle basse où était enfermé le cocher, lui prit