Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

"Ce sera fait, finit par dire cet homme. Dans un quart d’heure, un bon carrosse, au détour du Pont-Neuf. Soyez tranquille, maître."

Lorenzo fit un geste d’assentiment, et alors, en toute hâte, se dirigea vers la rue Dauphine. Parvenu aux abords de l’hôtel d’Angoulême, longuement il inspecta les environs. Sûr de la solitude, il s’approcha de la porte, et, comme Giselle le lui avait recommandé, souleva cinq fois le marteau.

Dix minutes s’écoulèrent, Lorenzo se disposait à prendre le chemin de la rue des Barrés lorsqu’il entendit cliqueter le judas qui s’ouvrait. Puis, la porte, à son tour, s’entrouvrit mystérieusement et Lorenzo entra. D’abord il ne vit personne. Mais il entendit que, derrière lui, la porte se refermait. À ce moment, une voix de femme murmura près de lui :

"Êtes-vous le marchand d’herbes installé sur le Pont-au-Change ?

— Oui, répondit Lorenzo. Et je viens parce que la fille du duc d’Angoulême m’a dit d’avoir recours à elle quand je serais dans la détresse.

— Venez !" dit la voix.

Lorenzo sentit qu’on lui prenait la main, et suivit son guide invisible dans l’obscurité profonde. Il monta ainsi un escalier et parvint à un couloir faiblement éclairé. Alors il vit que celle qui le guidait était une femme d’une quarantaine d’années qui l’examina un instant, puis le conduisit jusqu’à une chambre où Lorenzo vit Giselle d’Angoulême. À l’entrée du nain, elle se leva et vint à sa rencontre :

"Monsieur, dit-elle, je bénis l’heure où je pourrai peut-être m’acquitter en partie de l’immense service que vous m’avez rendu. Je vous remercie de vous être souvenu des indications que je vous avais données. Que puis-je pour vous ?"

Lorenzo garda le silence.

"Hélas ! reprit-elle, tandis que ses yeux se remplissaient de larmes et que sa voix s’altérait, mes moyens sont bien faibles maintenant. Mon père est à la Bastille, comme je l’ai appris par la fidèle servante qui vous a conduit. Ma mère..."

L’angoisse qui la serra à la gorge l’interrompit. Mais, surmontant aussitôt sa faiblesse, elle reprit :

"Si faible que je sois devenue, il ne sera pas dit que vous aurez fait appel en vain à la reconnaissance de Giselle d’Angoulême. J’ai de l’argent. J’ai des amis que je puis voir, que j’ai vus déjà, pour m’occuper de mon malheureux père. Amis et argent, disposez de ce que je puis vous offrir, si le malheur est venu frapper à la porte de cette maison qui me fut hospitalière."

Elle parlait avec cet accent de dignité calme que peut avoir une reine accueillant un solliciteur à qui elle a des obligations. Ses propres douleurs, elle les taisait. Privée de son père et de sa mère, traquée peut-être en ce moment, où les rêves d’ambition du