Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/453

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finit donc par se dire que Giselle d’Angoulême avait dû gagner quelque province avec son père. Il s’affirma que depuis longtemps, sans doute, elle ne pensait plus à lui. Et lui-même ne pensa plus à elle. Ou, du moins, il le crut sincèrement. L’hiver acheva donc de s’écouler, puis le printemps reparut, les premières feuilles se montrèrent sur les haies. Cogolin engraissait. Vers ce moment, Capestang s’aperçut que, en même temps que la neige, sa bourse avait fondu. Les trois cents pistoles qu’il avait eues, grâce à la démonstration du coup du nombril faite à M. de Boutteville, tiraient à leur fin. Cogolin, qui était pratique, fit un soir remarquer au chevalier, avec une certaine inquiétude, qu’il ne restait plus qu’une trentaine de pistoles.

"Je crois qu’il est temps de vous remettre à faire fortune, monsieur le chevalier. Sans quoi, moi, qui depuis quelques semaines me glorifie du nom de Lachance, je pourrais bien être forcé de m’appeler encore Laguigne.

— C’est pourtant vrai, soupira le chevalier, que je suis venu à Paris pour faire fortune !

— Ah ! monsieur, si vous aviez voulu ! Si vous le vouliez encore !

— Que ferais-je, voyons ?

— C’est que monsieur le chevalier a juré de m’arracher la langue si je lui parlais encore de cela.

— Eh bien, parle. Pour ce soir, je te donne licence de débiter tes sornettes. Mais verse-moi à boire.

— Voici, monsieur, dit Cogolin en emplissant le gobelet de son maître. Vous vous rappelez la chance que vous avez eue au tripot de la rue des Ursins ?

— Oui, mais grâce à tes conseils, je retournai il n’y a pas plus de quinze jours dans ce même tripot et j’y perdis quarante bonnes pistoles, imbécile !

— Voilà où je vous attendais, monsieur ! s’écria Cogolin triomphant. Je ne savais pas alors ce que j’ai appris depuis.

— Et qu’as-tu appris ?

— Qu’il y a, sur le Pont-au-Change, un digne homme de sorcier qui vend un moyen infaillible de gagner au jeu. On m’a assuré qu’il a fait gagner un soir plus de mille pistoles à un gentilhomme, rien qu’en marmottant je ne sais quelle prière à Dieu ou au Diable.

— Le Pont-au-Change ! murmura Capestang qui tressaillit en songeant à cette soirée où il avait été attaqué par des spadassins justement au sortir du tripot et où il avait pu se réfugier dans une maison d’où il était sorti si étrangement par la fenêtre donnant sur le fleuve.

— Oui, monsieur, le Pont-au-Change. Le sorcier s’appelle Lorenzo. J’irai le trouver, et...

— Tais-toi ! interrompit Capestang, assombri par ses souvenirs.