Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/456

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’agitaient. D’une façon précise, il ne savait pas ce qu’il ferait. Mais il se sentait l’âme d’un Prométhée défiant le ciel...

Tant qu’il fut sur la rive gauche, Capestang ne remarqua que cette vague agitation qu’il avait notée les soirs précédents, depuis trois ou quatre jours. Seulement, en passant le long des fossés de l’hôtel de Condé, il avait vu nombre de gentilshommes enveloppés de leurs manteaux se diriger vers la grande porte. Et il nota le fait dans un coin de sa mémoire. Une fois les ponts franchis, il se trouva tout à coup en présence de l’océan démonté.

Ses vagues déferlaient avec de vastes rumeurs suivies de brusques silences pleins d’angoisse. Au fond, vers le Louvre, luisaient, aux reflets des torches, les armes des compagnies de suisses et de gardes françaises, pareilles à des murs élevés devant les entrées du palais des rois. La place de Grève, la rue de la Mortellerie, la rue de la Tissanderie, le quai de la Mégisserie, la rue Saint-Germain-l’Auxerrois, tout bouillonnait ; des flux énormes de foule, puis des reflux soudains ; des bouches ouvertes, crispées par la clameur sauvage ; des regards furieux, étincelant dans la nuit ; des multitudes qui, par mouvements imprévus, se disloquaient, se formaient en bandes dont les hurlements s’éloignaient pour se rapprocher ensuite, puis des bandes qui se reformaient en masses profondes d’où jaillissaient des vociférations qui crépitaient sur le murmure immense.

"Vive Guise ! Vive le libérateur du peuple !...

— Mort aux affameurs ! Mort à Concini !

— Mort aux hérétiques ! Aux fagots les parpaillots !"

Capestang, pris dans la foule comme un fétu de paille par un tourbillon, allait, venait, les yeux emplis de cette effroyable vision, la tête pleine de tintements furieux ; il se laissait emporter comme en rêve. Et une de ces vagues humaines ayant déferlé jusque dans la rue Saint-Avoye, l’aventurier tout pantelant se vit soudain au pied des murs de l’hôtel de Guise ! C’est là qu’il avait voulu venir ! Et c’est là que la foule venait de le jeter !

Mais cette foule elle-même, alors, reflua comme la marée quand elle se retire. En effet, la colonne d’émeutiers qui avait poussé jusqu’à l’hôtel de Guise pour acclamer le duc s’aperçut que tout était éteint dans la forteresse où trois générations avaient usé leurs vies à conspirer. L’hôtel était sombre, muet, fatal. Guise n’était pas là, sans doute ! Où était-il ? Peut-être mêlé à la multitude déchaînée par les rues. Cette idée se répandit dans la colonne que le duc devait être aux environs du Louvre.

"Vive Guise ! Vive le Grand Henri ! Vive le libérateur !"

L’acclamation énorme battit de ses échos furieux la forteresse impassible, et la bande, en tumulte, prit le chemin du Louvre... Capestang vit qu’il était seul au pied de ces murailles qui