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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/460

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soin fut de se baisser et d’examiner les quatre hommes étendus : ils étaient morts tous quatre. Deux d’entre eux étaient les deux gentilshommes qui avaient escorté Guise : chacun d’eux avait la gorge trouée d’un coup de poignard. Les deux autres ne portaient pas de blessure apparente : ils avaient été assommés par le pommeau de l’épée de Capestang. C’étaient Pontraille et Bazorges. L’aventurier les reconnut.

"Bon ! fit-il, le Rinaldo n’y est pas. Tant mieux, mort-diable ! j’eusse été fâché de le tuer tout bêtement d’un coup de masse. Le drôle vaut mieux que cela. Voyons, il me semble que j’en reconnus aussi deux parmi les morts de l’auberge du Panier-Fleuri ? Avec ces deux-ci, cela fait quatre : si je sais compter, il me reste donc trois dettes de sang à payer. Bon, bon, cela pourra venir !"

Guise avait remis son épée au fourreau. Une minute, il contempla froidement les cadavres de ses deux compagnons, deux fidèles amis morts pour lui en se jetant au-devant des coups qui lui étaient destinés. Peut-être une rapide émotion le fit-elle frissonner. Mais se remettant aussitôt :

"Tels sont les hasards de la guerre. N’y pensons plus ! Monsieur, ajouta-t-il tout haut, je vous dois la vie. Je ne l’oublierai pas. Si vous voulez bien entrer avec moi en cet hôtel où je suis attendu, je serai heureux de vous offrir la récompense due à votre courage."

Capestang se sentit pâlir d’humiliation ; cette offre hautaine de récompense le froissait dans sa fierté, dans tout ce qu’il y avait de délicat sous ses allures parfois exorbitantes. Mais, à ce moment, une idée soudaine flamboya dans son esprit. Il frémit jusqu’à l’âme. Son œil pétilla de malice.

"Monseigneur, vous ne me devez aucune reconnaissance, dit-il, car j’avais été posté ici pour surveiller votre arrivée, et vous défendre en cas de besoin, et enfin vous guider.

— Me guider ? fit Guise étonné.

— Oui, monseigneur ; des avis parvenus dans la soirée ont fait changer le lieu de la réunion ; ces messieurs sont rassemblés près d’ici, dans une auberge, où ils vous attendent.

— Au Grand-Henri ? fit vivement le duc. C’est là que les gens de Condé se réunissaient.

— Oui, monseigneur, c’est justement là. Et si vous voulez bien m’accompagner..."

Le duc de Guise n’avait aucune raison de se défier de cet homme qui venait de le sauver. Le changement du lieu de réunion était parfaitement plausible, et l’attaque même des gens de Concini prouvait que l’hôtel de Condé était surveillé. Ce fut donc sans la moindre hésitation qu’il répondit :

"Marchons, et hâtons-nous !

- Vive mon petit roitelet !" rugit en lui-même l’aventurier, dont le cœur se mit à bondir.