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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/47

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― Merci ! fit en riant le chevalier. Si encore tu t'appelais Lachance !

— Tiens ! Vous savez mon autre nom ?

— Ton autre nom ? Tu as donc plusieurs noms ?

― Oui. Il y a des jours où je m’appelle Lachance. Mais aujourd’hui je m’appelle Laguigne.

― Bon ! Eh bien, mon brave Laguigne, si tu veux un bon conseil, file prestement. "

Et il lui mit un écu dans la main.

"Merci, mon prince ! cria l’homme qui s’élança. A votre service, à la vie, à la mort !"

Vingt pas plus loin, celui, qui, pour le moment, répondait au nom mélancolique et peu harmonieux de Laguigne, s’arrêta court, se retourna, et suivit des yeux celui qui l’avait voulu trucider et celui qui l’avait sauvé. Dans ce même moment, le chevalier, les sourcils froncés, songeait à quitter son guide qui, décidément, ne lui disait rien qui vaille. Comme s’il eût deviné cette pensée, Rinaldo s’arrêta :

" Monsieur, dit-il, nous voici devant l’hôtel de M. le maréchal d’Ancre. Je vais d’un mot éclairer notre situation : j’appartiens à l’illustre maréchal, et si je vous ai proposé de vous guider, c’est qu’il m’a semblé démêler à votre air et à vos paroles que vous cherchiez un protecteur puissant. Si j’ai subi les criailleries de quelques Parisiens de méchante humeur à cause de quelques pauvres impôts, c’est qu’on me connaît pour le plus fidèle serviteur du grand homme. Si j’ai pris en bonne part vos agréables plaisanteries, c’est que le maréchal aime les gens de cœur et d’esprit, c’est que votre air m’a touché, c’est enfin que je veux vous présenter sur l’heure au maître de la France.

― Quoi ! balbutia Capestang qui tressaillit de joie, tout poussiéreux et botté que je suis ?

― Qu'importe, jeune homme. Voici la fortune qui passe... Saisissez-la. Dans une heure, il sera trop tard : le maréchal va partir pour un long voyage. Seulement je vous en préviens, si vous êtes d’humeur paisible, passez votre chemin ! Mais si vous aimez le danger, les expéditions hasardeuses, la lutte au bout de laquelle se trouvent l’honneur et les honneurs, suivez-moi, entrez avec moi dans ce logis plus somptueux que le Louvre, où affluent princes, diplomates, cardinaux, où vous allez coudoyer tout ce qu’il y a d’illustre au monde.

― Est-ce vraiment la chance que j'ai rencontrée ? murmura l'aventurier ébloui. Le danger ! Les beaux coups d’estoc et de taille ! Les périlleuses équipées ! Et, au bout, la fortune ! Mais c’est cela que je suis venu chercher à Paris, moi !"

L'instant d'après, les deux cavaliers mettaient pied à terre dans la cour de l'hôtel, où deux valets à splendide livrée s'emparaient de leurs chevaux ; et Capestang enivré, le cœur battant, la tête en feu, Capestang porté sur les ailes