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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/472

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forteresse où le duc de Guise pleurait maintenant sur sa royauté brisée.

Il s’approcha du prisonnier en écartant Cogolin et Gros-Guillaume. Les ténèbres étaient profondes. Ce prisonnier, il le distinguait à peine et, quant à son visage, il ne le voyait pas du tout. À ce moment, le mystérieux détenu numéro 14 lui mit la main sur l’épaule, éclata d’un rire étrange et dit :

"Monsieur l’officier, savez-vous à quoi je m’occupais lorsqu’on est venu me chercher afin que vous me conduisiez au roi qui veut me voir, paraît-il ?...

— Non, monseigneur, dit Capestang, que cette voix de sombre amertume fit frissonner.

— Eh bien ! je m’occupais à affûter ce morceau de fer !"

Et Capestang entrevit, en effet, quelque chose qui, aux mains du prisonnier, jeta une rapide lueur.

"Et savez-vous à quoi je destinais ce fer que j’ai achevé d’aiguiser en poignard par un long travail ?

— Non, monseigneur ! dit Capestang qui sentit ses cheveux se hérisser.

— J’allais me tuer.

— Vous tuer !

— Oui ! Monsieur l’officier, êtes-vous gentilhomme ? Êtes-vous homme d’honneur ? Avez-vous un cœur qui bat sous votre casaque ? Je vous prie, je vous supplie ! Vous devez savoir ce que me veut le roi ! Dois-je être ramené à la Bastille ? ajouta le prisonnier avec une exaltation terrible. Oh ! vous ne me dites rien ! Eh bien ! allez dire à votre roi que vous ne pouvez lui présenter qu’un cadavre !"

Le prisonnier, d’un mouvement violent, leva sur sa poitrine le fer qu’il tenait à la main. Capestang, d’un geste prompt, saisit son poignet au vol et, d’une voix sourde :

"Monseigneur, vous êtes libre."

Un cri terrible, un hurlement échappa au prisonnier. Un instant, il saisit sa tête à deux mains, puis râla :

"Vous êtes fou, monsieur. Que dites-vous ?

— Éloignez-vous, vous autres !" cria Capestang.

Les quatre compagnons s’écartèrent d’une vingtaine de pas et Capestang lui-même recula de trois pas.

"Libre ! rugit le prisonnier en aspirant l’air avec frénésie. Libre ! Est-ce vrai ? Est-ce que je rêve ?

— Adieu, monseigneur ! dit Capestang avec une sorte de douceur étrange. Vous êtes libre ! Un mot, un seul : n’abusez pas de cette liberté ! Faites grâce à la jeunesse, à l’inexpérience et à la tristesse de notre roi Louis. Le chevalier de Capestang peut bien se permettre de donner ce conseil, non à votre ambition, mais à votre cœur ! Adieu !"

Et Capestang s’éloigna rapidement, laissant le prisonnier délivré au milieu de la rue.

"Ce pauvre Condé ! grommela-t-il. La misère qu’il a endurée au numéro 14 l’a bien affaibli ! Allons, vous autres, en route