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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/490

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— Oui ! C’est que tu as peur, Concino ! Décide ! Aujourd’hui ou jamais ! Tu n’as qu’à frapper Guise... Oh ! pourvu qu’il vienne, maintenant ! Pourvu que quelque obstacle...

— Par le Christ ! Je te dis qu’on parle derrière cette tenture !

— Oui, oui ! Malheur à ceux qui sont là !

— Lorenzo ! La voix de Lorenzo !

— Écoute ! Écoute !"

Haletants, à demi penchés vers cette tenture ils écoutèrent. Lorenzo parlait. Et voici, d’un accent plein de doute, d’espoir et de supplications, ce qu’il disait :

"Dans ma maison du Pont-au-Change, il y a un coffre, Belphégor. Tu monteras au grenier. Tu ouvriras la porte du fond. Tu verras le coffre. Il contient dix mille livres en or, autant en argent et près de deux cent mille livres de pierreries. Tout cela est à toi. Tout ! De quoi acheter la femme que tu rêves ! Et qu’est-ce que je te demande ? Simplement ceci : laisse-moi sortir du Louvre. Tu diras que je t’ai échappé. Ou même, tiens : je ne sortirai pas. Je vais écrire ici deux lignes sur un papier ; tu le porteras, ce papier, dans la maison que tu indiquais ce matin à ta maîtresse, à Meudon, à l’auberge de la Pie-Voleuse, et tu remettras mon message à Giselle d’Angoulême. Allons, c’est dit, n’est-ce pas ? Tu auras pitié de cette pauvre jeune fille ; tu n’es pas méchant, Belphégor, et tu seras enrichi du même coup..."

Léonora Galigaï n’en entendit pas davantage. Elle n’entendit pas la réponse de Belphégor. En cette minute terrible où se décidait sa destinée, où elle avait besoin de toute l’énergie de Concini, oui, dans cet instant, Concini venait de s’affaisser, évanoui, assommé comme d’un coup de massue par la joie... Léonora gronda une furieuse imprécation, le secoua, le souffleta, pantelante de rage ; et, pour la première fois de sa vie, peut-être, elle eut pour lui une pensée qui n’était pas une pensée d’amour :

"Lâche ! Ah ! le lâche ! le lâche !"

Et, voyant qu’il ne revenait pas à lui, violemment, elle tira son poignard, lame très aiguë, le lui appuya sur la gorge, et poussa ! Le sang jaillit. La piqûre éveilla Concini. Il vit sa femme le poignard à la main. Et lui que, pour la première fois, sa femme appelait lâche, lui qui avait passé sa vie à redouter l’assassinat, lui, pour la première fois, il n’eut pas peur ! Léonora, le roi, Guise, l’émeute, la conspiration, royauté, espérances insensées, tout disparut de son esprit, et, le regard extasié, la voix tremblante, il bégaya :

"Meudon... L’auberge de la Pie-Voleuse... Giselle !

— Oui ! gronda Léonora, penché sur lui comme l’esprit des ténèbres, eh bien ! oui, elle est là ! Prends-la, emporte-la quand tu voudras, je te la donne !

— Léonora !

— Quand tu voudras. Demain. Tu iras demain.

— Tout de suite ! râla Concini.

— Demain ! Aujourd’hui,