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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/523

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soupçons étaient injustes.

— Bah ! fit le chevalier en ouvrant de grands yeux.

— Oui, Marion m’a prouvé votre innocence.

— Eh bien ! vous pouvez m’en croire, vous m’ôtez un poids de dessus la poitrine !

— Et puis, continua Cinq-Mars, vous m’avez sauvé la vie lorsque je fus attaqué rue Dauphine, alors que vous pouviez justement me considérer comme votre ennemi.

— Bah ! fit Capestang, ébahi de la tournure que prenait cette rencontre, ne parlons pas de cela, je vous en supplie. Vous en eussiez fait tout autant à ma place."

Cinq-Mars secoua la tête.

"Ce n’est pas sûr, dit-il. En tout cas, je ne l’ai pas fait. Chevalier, ce n’est pas tout : c’est vous qui m’avez tiré du carrosse qui me conduisait à la Bastille, où j’eusse été jeté dans quelque oubliette...

— Bon ! Je ne savais pas que c’était vous. Donc, vous ne me devez rien.

— Chevalier, reprit Cinq-Mars d’une voix de plus en plus émue, Marion m’a appris hier un dernier trait de votre héroïsme : c’est vous qui l’avez arrachée à Richelieu. C’est vous qui me l’avez ramenée à mon hôtel...

— C’est vrai", dit simplement Capestang.

Cinq-Mars se leva. Sa parole, maintenant, tremblait :

"Chevalier, je vous dois trois fois la vie. Vous n’êtes pas seulement pour moi un héros invincible, une fleur de bravoure et de loyauté comme on en voyait au temps des paladins, et comme on n’en voit plus dans notre misérable époque d’égoïsme forcené, chevalier, alors que j’étais votre ennemi, vous avez été pour moi l’ami sûr et précieux qui donne sans compter son esprit, son cœur et son sang."

Les yeux du petit marquis se remplirent de larmes. Sa poitrine s’oppressa. Il considéra un instant Capestang avec une admiration où il y avait au fond un peu d’effroi.

"Chevalier, acheva-t-il, lorsque Marion m’eut raconté la scène héroïque, impossible et pourtant vraie de votre arrivée chez Richelieu, j’ai senti que j’étouffais si je ne venais à vous. Et je suis accouru. Chevalier, je vous demande pardon de vous avoir insulté dans les caves de l’hôtel d’Angoulême.

— Marquis ! fit Capestang, qui pâlit au souvenir de Giselle.

— Chevalier, je vous demande pardon d’avoir croisé l’épée contre vous sur la route de Meudon. Je vous demande pardon d’avoir été votre ennemi. Et je vous demande : Voulez-vous me faire cet insigne honneur de me considérer comme votre frère ? Voulez-vous me permettre d’être votre ami ?"

Pour toute réponse, Capestang ouvrit ses bras, et Cinq-Mars s’y jeta en pleurant...


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Une fois que l’émotion fut calmée, une fois que la réconciliation