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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/526

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ces pensées que nous signalons, que Capestang n’entendit pas le bruit de la lutte rapide sur la route. Mais Cogolin avait entendu, lui, et, tout tremblant, il ouvrit la porte juste au moment où le chevalier fermait les yeux pour tâcher de se rendormir et de ne plus songer à Giselle.

"Monsieur, dit Cogolin, je crois qu’on se massacre sur le grand chemin !"

Capestang ouvrit un œil. Mais dans cet œil fixé sur lui, Cogolin ne lut cette fois que de la résignation.

"Je ne dormirai pas cette nuit ! songea le chevalier. C’est écrit quelque part. Il ne faut pas que je dorme !"

Il se leva, fit allumer une lanterne, descendit sur la route, explora les environs, constata que tout était parfaitement paisible, et remonta.

"Est-ce qu’il y a des morts, monsieur ? demanda Cogolin.

— Imbécile ! répondit Capestang... Oh ! oh ! qu’est-ce à dire, mon drôle ! Vous osez paraître devant moi avec ce crâne déplumé ? Et puis, que vois-je ! Vous avez eu l’audace de replacer sur ma table ce misérable torchon de parchemin qui me coûte mes cinq dernières pistoles ! Hors d’ici, faquin ! ou gare la trique ! Et puis, vociféra-t-il, tandis que Cogolin disparaissait, si tu as le malheur de pénétrer encore ici sans que je t’appelle, je t’embroche tout vif !"

Et Capestang se rejeta sur son lit sans plus faire attention au parchemin roulé en boule, à la fameuse prière à Mercure ! Et cette fois, il s’endormit d’un sommeil fiévreux.

Au jour, il se réveilla, se secoua, vida d’un trait un restant de flacon qui contenait du vin d’Espagne, et rajusta sa toilette. Sans savoir pourquoi, il se sentait tout joyeux et appela son écuyer, qui vint à l’ordre. Cogolin, voyant la bonne humeur de son maître, crut avoir une idée de génie. Il joignit les mains, et dit bravement :

"Monsieur, peut-être qu’il n’est pas trop tard !

— Trop tard ? fit le chevalier étonné. Voyons, explique-toi. Je te veux du bien, ce matin.

— Monsieur ne m’embrochera pas ?

— Non, foi de Capestang.

— Eh bien ! monsieur, lisez-la une fois, tenez, rien qu’une fois ! Peut-être que cela vous décidera ?

— Lire quoi, imbécile !

— La prière ! La prière à Mercure ! La prière qui doit vous faire gagner tout ce que vous voudrez. Une fortune royale, monsieur ! Le sorcier a dit : « Une fortune royale » !"

L’attitude de Cogolin était si pitoyable et si comique à la fois que Capestang fut ému tout en riant. Il prit le parchemin roulé en boule, le défripa, rompit le cachet, le déplia et, jetant un coup d’œil malicieux à Cogolin :

"Attention, voici la fortune ! Ouvre tes poches ! Je lis, Cogolin !"