Page:Zévaco - Les Pardaillan - L'épopée d'amour, 1926.djvu/5

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peut-être il devinait confusément le secret, l’avait conduit par la main à la demeure mystérieuse où se cachait tout ce qu’il avait aimé au monde, l’avait mis en présence de Jeanne de Piennes, la première duchesse de Montmorency.

L’heure tant espérée, après dix-sept ans de larmes et de deuil, était enfin sonnée.

Enfin, il retrouvait tout ce qu’il avait chéri et qui avait été la joie de son cœur, la moelle de ses os, l’essence même de son être ; en un mot, celle qu’il avait aimée.

Hélas ! comme une sève trop puissante fait craquer le bourgeon, le bonheur avait fait craquer le cerveau de celle qui avait été sienne.

Comment la retrouvait-il ?

Folle ?…


Jeanne de Piennes, dans les derniers jours de son martyr, alors qu’elle se sentait mortellement atteinte, ne vivait plus qu’avec une pensée :

« Il ne faut pas que je meure avant d’avoir assuré le bonheur de ma fille… Et quel bonheur peut-il y avoir pour la pauvre petite tant qu’elle ne sera pas sous l’égide de son père !… Oui ! retrouver François même s’il me croit encore coupable… mettre son enfant dans ses bras… et mourir alors !… »

Lorsqu’elle interrogea le chevalier de Pardaillan, lorsque celui-ci lui dit que c’était à un autre que lui de lui dire comment sa lettre avait été accueillie par le maréchal, Jeanne eut dès lors la conviction intime que François avait lu la lettre, et qu’il savait la vérité. Et elle attendit.

Lorsque le vieux Pardaillan lui annonça que le maréchal était là, elle ne parut pas surprise. Aucune commotion ne l’agita. Seulement, elle murmura :

« Voici l’heure où je vais mourir !… »

La pensée de la mort ne la quittait plus. Elle ne la désirait ni ne la craignait.

Au vrai, elle se sentait mourir.

Qu’y avait-il de brisé en elle ? Pourquoi le retour du bien-aimé n’avait-il provoqué dans son âme qu’une sorte de flamme dévorante et aussitôt éteinte ? Elle ne savait.

Mais, sûrement, quelque chose se brisait en elle. Et elle put se dire : Voici la mort ! Voici l’heure du repos !…

Elle étreignit convulsivement Loïse dans ses bras et murmura à son oreille quelques mots qui produisirent sur la jeune fille quelque foudroyant effet, car elle essaya en vain de répondre, elle fit un effort inutile pour suivre sa mère et elle demeura comme ri