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L’ÉPOPÉE D’AMOUR

— Diable ! songea Maurevert en pâlissant, aurait-elle vent de quelque chose ?

— Et tout haut, il dit :

— S’il ne faut que risquer ma vie pour consolider cette couronne, Votre Majesté n’a qu’à parler : je suis tout prêt… à tout !

Alors, il se redressa et son regard, plus impudent qu’audacieux, fixa la reine avec une hardiesse qui eût pu sembler étrange à Catherine si celle-ci n’eût été entièrement absorbée par ses pensées.

An fond, Maurevert tremblait.

Il avait jeté autour de lui un rapide coup d’œil pour s’assurer qu’il était bien seul avec la reine.

Puisque nous tenons ce Maurevert, dessinons-le en quelques traits.

Il paraissait une trentaine d’années ; svelte, mince, les cheveu et la barbe d’on blond ardent, presque roux, l’œil gris, avec des reflets d’acier, la figure régulière, la tournure élégante, il avait la démarche souple d’un fauve et, dans son ensemble, ne manquait pas d’une sorte de beauté. Rompu à tous les exercices vigoureux, il passait pour très dangereux l’épée à la main et, en outre, avait une réputation établie de tireur infaillible à l’arquebuse et au pistolet.

Il n’avait pas de situation fixe à la cour. On ignorait d’où il venait et quelle était sa famille. Mais il avait été d’abord très protégé par le duc d’Anjou, frère du roi, à qui il avait rendu de ces inavouables services qu’un brave pouvait rendre à un prince. En récompense Henri l’avait présenté à la reine Catherine, en lui disant :

— Madame ma mère, M. de Maurevert tuerait son père si je lui en donnais l’ordre.

Maurevert, en marge de la cour, méprisé par les uns, redouté par les autres, accepté, toléré plutôt, parce qu’on lui savait de hautes protections, Maurevert s’était glissé, faufilé jusqu’au cœur des intrigues les plus secrètes.

Il n’aimait et ne haïssait personne ; mais il était capable de tuer froidement quiconque le gênait. Il causait peu, écoutait beaucoup, cherchait à passer inaperçu et à se rendre indispensable.

Que voulait-il ? De l’argent d’abord, beaucoup d’argent. Et puis, un titre qui lui permît de faire bonne figure parmi les nobles compagnons qui acceptaient sa société.

Il trahissait secrètement le duc d’Anjou pour le duc de Guise, tout prêt à trahir le duc de Guise pour le roi Charles. Il savait que le frère du roi attendait avec impatience la mort de Charles IX, et peut-être Maurevert eût-il assassiné le roi s’il n’eût craint d’être ensuite abandonné par Anjou. Il avait découvert la conspiration de Guise et il en faisait partie tout naturellement : il était de tout et partout.