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ÉRIC LE MENDIANT.

— Brave Tanneguy !… interrompit le bon curé avec bonhomie, vous avez été le meilleur des maris, vous serez le meilleur des pères.

— Oh ! ce me sera pénible de me séparer de ma jolie Marguerite, répondit Tanneguy en soupirant, mais je me suis fait à cette idée depuis longtemps, et quand viendra l’heure, je serai prêt. D’ailleurs, ajouta-t-il avec un pâle et triste sourire, vous le savez bien, monsieur Kersaint, j’ai toujours nourri en moi un désir secret, celui de me retirer au bord de la mer. Cela me rappellera mon ancien métier, et je m’ennuierai moins dans ma solitude si je puis, tous les matins, faire un tour sur la grève. Il y a longtemps que je serais venu habiter Saint-Jean-du-Doigt, si je n’avais pas vu au cimetière de Lanmeur, le tombeau de ma pauvre femme !

— Une brave et digne femme ! interrompit l’abbé.

— Ma petite Margaït sera son portrait, repartit Tanneguy : même beauté sereine, même vivacité, même cœur surtout !…

Le vieil abbé suivait en ce moment les mouvements de Marguerite qui courait, éblouie par les rayons du soleil, presque enivrée par l’air vif et pur du matin. Une certaine gravité s’était tout à coup répandue sur ses traits, et il reporta doucement son regard sur le visage de Tanneguy.

— Tanneguy, lui dit-il alors d’une voix lente et comme s’il eût pesé chacune de ses paroles, il y a bien longtemps que vous n’étiez venu au presbytère, et si vous aviez tardé encore quelques jours, mon intention était d’aller vous trouver à Lanmeur.

— Vraiment !… fit Tanneguy dont l’œil s’éclaira d’une joie sympathique.

— Oui, poursuivit l’abbé, j’avais besoin de vous voir !…